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Mouigni Baraka Said Soilih, ancien gouverneur de Ngazidja «Mettre 5000 jeunes à la porte peut être source d’instabilité»

Mouigni Baraka Said Soilih, ancien gouverneur de Ngazidja «Mettre 5000 jeunes à la porte peut être source d’instabilité»

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Le bilan du régime Azali, les bisbilles au sein du Rdc, le silence de l’opposition, son soutien à Mohamed Ali Soilihi lors du troisième tour de la présidentielle, le meeting de samedi dernier de son ex-allié Mahmoud Wadaane, etc., l’ancien gouverneur de Ngazidja, Mouigni Baraka Said Soilihi, a accepté d’aborder tous ces sujets dans un entretien avec Al-watwan.

 

Dans le combat qui vous oppose à Djae Ahamada autour du contrôle du Rdc, la justice vient de vous débouter. Si la Cour d’appel confirme la décision du tribunal de première instance, qu’envisagez-vous de faire?

Nous avons fait appel et si cette décision devait se confirmer, nous aurions le droit de poursuivre le combat juridique. Au-delà du sentiment qui nous anime, il nous faut souligner aussi l’existence d’une jurisprudence. Nous pouvons citer les cas de la Convention pour le renouveau des Comores (Crc) et du Front national pour la justice (Fnj). Si en première instance, les secrétaires généraux de ces partis avaient gagné, la Cour d’appel a, par la suite, donné une décision qui était favorable aux militants. 

Il faut aussi prendre en compte le fait que le Rdc fasse partie des six partis retenus par la loi. Et cela s’est fait grâce aux élus que nous avons. Et ces élus sont de notre côté, avec comme secrétaire général par intérim Abbas Mhadjou en attendant la tenue du congrès. Comment dans ce cas, peut-on dire que Djae Ahmada Chanfi a le parti en main ? 

 

Dans vos propositions pour la modification de la loi sur les partis politiques, vous n’avez pas pris en compte l’esprit de l’actuelle  loi, bien au contraire. Ne risquons pas de nous trouver avec une multitude de partis politiques ? 

Je crois que nos propositions ne sont pas contraires à l’esprit de la loi. Il est de même pour celles du cabinet de la présidence, qui affirme aussi que la constitution n’interdisait pas la création de partis. Je voudrais ajouter une chose : par rapport à nos propositions, il faut pouvoir dissocier l’existence de la reconnaissance. L’existence est le droit de tout un chacun d’avoir un parti politique, mais la reconnaissance des partis politiques dépendra des conditions à respecter pour être reconnu et donc avoir des avantages telles que les subventions. Tant que les partis politiques ne répondront pas aux conditions légales, ils ne seront pas reconnus. Et indirectement, ils vont disparaître, car s’ils n’ont pas le droit de faire des meetings, cela veut dire qu’ils n’existent pas. En réalité, c’est une disparition qui ne dit pas son nom. 

 

L’opposition est silencieuse, mise à part le meeting de Mahmoud Wadaane et votre conférence tenue en décembre. Ce silence répond-t-il à une stratégie ? 

Je crois que l’opposition a besoin de se reconstruire. Il est vrai que cela fait huit mois depuis que le régime a été investi, mais il nous faut aussi marquer un temps,  histoire de pouvoir analyser réellement ce qu’il se passe, surtout que  nous sortons nous mêmes du pouvoir. Une chose est sûre, nous sommes soucieux de la stabilité de ce pays. Et c’est pour cela que nous estimons que c’est un devoir pour nous d’apporter notre contribution, même en étant dans l’opposition. Maintenant, il nous faut voir quels partis acceptent de rester dans l’opposition, lesquels veulent rejoindre le gouvernement. Dans les jours à venir, vous verrez qu’il y aura la mise en place d’une structure composée de responsables qui vont diriger l’opposition. 

 

Justement, il y a quelques mois, l’un des leaders du Radhi, Aboudou Soefo, pour ne pas le nommer, avait dit qu’il n’était pas prêt à faire partie d’une opposition qui serait dirigée par vous, que lui répondriez-vous aujourd’hui ? 

Est-ce à dire que si aujourd’hui, j’étais le président de la République, il aurait quitté le territoire ? C’est tout ce que j’ai à lui répondre. 

 

Lors de votre mandature, notamment à la fin de celle-ci, vous avez recruté à tour de bras pour «des raisons politiques», selon l’actuel gouvernement ; ce qui a entrainé les licenciements massifs des jeunes. Que répondez-vous à ces accusations ?

Il y a toujours eu des recrutements, soit en période électorale soit en dehors. Pour ma part, j’ai opéré les premiers recrutements en 2011, alors qu’il n’y avait pas d’élections, et nous avons recruté 109 enseignants parce que le besoin s’était fait sentir. Ce n’était aucunement lié à une quelconque raison électoraliste, mais à une nécessité réelle. 

Et puis, qu’on se le dise. Quand le candidat Azali Assoumani proclamait partout lors de sa campagne, «un jeune, un emploi» et qu’aujourd’hui, son gouvernement licencie de façon aussi massive, je peux dire que c’est l’une des erreurs les plus graves de l’actuel régime. Ceci concerne aussi bien l’Union que l’île de Ngazidja. 

Prenons un exemple : pour ce qui est des contractuels de l’Union, ils coûtaient 19 millions par mois. Combien coûte le voyage d’un ministre ? Plus. Et le président ? Il eut peut-être fallu commencer par la réduction du train de vie de l’Etat avant de s’attaquer à ces jeunes. On ne peut pas dès le premier décret augmenter le salaire des ministres, du staff, continuer à voyager autant et dire que ce sont les jeunes salariés qui sont le problème ! C’est contradictoire. Vous savez, mettre 5.000 personnes à la porte peut effectivement être source d’instabilité et nous sommes inquiets. 

 

Vous avez été au pouvoir pendant cinq ans. Pensez-vous pouvoir dénoncer en toute sérénité le régime actuel ? 

Nous n’attaquerons pas juste pour le plaisir de le faire. Nous dénoncerons tout ce qui ne va pas, les actes qui ne vont pas dans le bon sens. Il faut mettre de côté l’idée selon laquelle Mouigni Baraka Said Soilihi attaque le régime. Nous ferons aussi des propositions et encouragerons ce qui doit l’être. 

 

Quel bilan tirez-vous des 8 mois du régime Azali ? 

Nous ne voyons aucun changement. Le citoyen comorien a l’impression que les choses se poursuivent dans le mauvais sens et que cela empire de jour en jour. Nous attendons toujours la mise en application du programme du candidat Azali Assoumani. Il y a une hausse de près de 40% des produits. Pour ce qui est de l’électricité, nous ne voyons pas encore de programme lié à l’énergie et c’est ce que les gens qui ont voté pour lui attendaient. Sept ans de pouvoir, dix ans de repli, ils s’attendaient à voir un changement s’opérer. Ce qui n’est pas encore le cas. Il va falloir que le gouvernement rectifie le tir rapidement, surtout qu’il est très ardu de faire une lecture de l’action gouvernementale. 

 

Est ce que vous vous associez aux propos très durs à l’endroit d’Azali Assoumani,  tenus par Mahamoud Wadaane lors de son meeting samedi dernier ? 

Vous l’avez dit, les propos étaient durs. Je n’ai pas à m’immiscer dans la vie personnelle des leaders, je me contenterai de critiquer son action politique. 

 

Seriez vous prêts à travailler avec lui, étant entendu qu’il prône l’ouverture ? 

Lors de l’adoption de la loi de Finances, les députés du Rdc ont voté pour, ils ont donc apporté leur soutien. Cette question, il faut la poser au parti. Parce que si vous me la posez à moi, je dirais que pour le moment, je suis en observation. 

 

Donc, vous n’êtes pas prêts à travailler avec lui, vous êtes en observation jusqu’en 2021? 

Je ne suis pas de ceux qui veulent à tout moment être au pouvoir. Cela étant, c’est au parti de décider, le dernier mot lui revient. 

 

N’était-il pas prématuré, après un seul mandat de gouverneur de Ngazidja, de vous présenter aux présidentielles ? 

Ecoutez, il y a des candidats qui n’ont jamais réussi à se faire élire députés, qui n’ont jamais été ministres. J’ai été candidat aux élections présidentielles parce que j’avais un projet de société pour le pays. Donc, non, je ne le regrette aucunement. 

 

Pourquoi avoir choisi de soutenir Mohamed Ali Soilihi lors des partielles. N’était-ce  pas une forme de suicide politique ? 

Non, ce n’était pas un suicide politique. Lors des partielles, nous nous sommes dit qu’elles tournaient autour de 6.000 électeurs. Et même s’ils votaient tous pour mon équipe, nous aurions été loin du compte étant donné que mes adversaires comptabilisaient chacun  plus de 40.000 voix alors que j’en avais moins de 20.000 au second tour. D’où notre décision d’abandonner au profit de Mohamed Ali Soilihi, qui est le choix des militants. 

 

D’où notre précédente question, n’était-ce pas prématuré de vous présenter aux présidentielles ? 

Lors des primaires, il y avait 25 candidats, 3 ont été retenus. Au 2eme tour, sur les 3, ce sont Mohamed Ali Soilihi et Azali Assoumani qui l’ont été. Ce choix est le fait des électeurs et contre cela, nous n’y pouvions rien. Maintenant, il ne faut pas oublier que nous avions un candidat aux gubernatoriales à Anjouan qui a fini 3eme, cela veut dire que nous avions les moyens de gagner alors que le candidat de la Crc  pour l’élection des gouverneurs sur la même île a à peine recueilli plus de 3% des voix…

 

Extrait de l'Interview de Mouigni Baraka Said Soilihi

 

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