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Interview. Nicolas Poiteau : «La diversité linguistique est un atout qui doit être valorisé»

Interview. Nicolas Poiteau : «La diversité linguistique est un atout qui doit être valorisé»

Société | -   Sardou Moussa

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Séances d’animations autour du livre, des cours de français pour les enfants dès 5 ans, une troupe de jeunes comédiens qui cartonnent, et probablement un accès à Culturethèque dès la rentrée prochaine, l’Alliance française de Mutsamudu s’ouvre des horizons, au bénéfice de «la langue française et l’ensemble des cultures qui lui sont associées». Entretien avec Nicolas Poiteau, le directeur.

 


L’Alliance française poursuit son objectif de faire rayonner la culture et la langue françaises à travers le monde. Vous dirigez depuis quelque mois l’Af de Ndzuani. Cette mission vous semble-t-elle aisée ici ?


Précisons avant tout que l’Alliance française a pour mission de promouvoir la langue française et l’ensemble des cultures qui lui sont associées, pas uniquement la culture française. Un contexte francophone ne peut être que favorable au bon déroulement de cette mission.

Rappelons, par exemple, que nous avons accueilli l’auteur Satomi Ichikawa à l’occasion de la Semaine de la Francophonie.

Peut-on rêver meilleure illustration auprès du public de la portée de la langue française que l’accueil d’une artiste japonaise, ayant grandi en France et venant présenter aux Comores les albums qu’elle a réalisés à Madagascar ou dans d’autres pays francophones ?

 


Récemment encore (2013), le Centre international d’études pédagogiques (Ciep) parlait de «dégradation continue depuis plusieurs années de la maîtrise du français - langue d’enseignement - chez les élèves et un grand nombre d’enseignants». Ceci est bien entendu directement lié à la qualité de l’enseignement comorien, mais est-ce que l’Af n’a pas un peu failli elle aussi ?


L’Alliance faillirait si les élèves qui la fréquentent considéraient que les cours de français ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. Or, ce n’est pas le cas.

À la lecture des enquêtes que nous réalisons à la fin de nos sessions de cours, il apparaît que la plupart de nos élèves souhaitent se réinscrire et passer, après un ou plusieurs sessions supplémentaires, l’un des examens du Delf.

Nous veillons à proposer des cours de qualité, tant dans leur contenu que dans leur animation, afin que soit garantie à chacun de nos apprenants la possibilité de progresser en français.

 


Dans une analyse, un inspecteur pédagogique comorien estime que, pour rehausser le niveau du français, des actions visant le sommet (les formateurs, enseignants et encadreurs pédagogiques) ne sont ni suffisantes et ni prioritaires, et qu’il faudrait surtout viser la base, autrement dit les jeunes. C’est une piste que l’Af expérimente déjà me semble-t-il… ?


Je ne vois pas comment on peut prétendre améliorer le niveau des plus jeunes sans prêter attention à la formation et aux pratiques de ceux qui les encadrent.

À l’Alliance, nous proposons effectivement des cours pour les jeunes enfants, dès l’âge de 5 ans. L’objectif de ces cours est avant tout de permettre aux enfants de se sentir à l’aise dans un contexte de communication et d’échange en français, afin de les aider à pouvoir interagir par la suite dans cette langue.

Ces cours sont très prisés depuis leur mise en place il y a deux ans. Bien sûr, il est possible de se former à tout âge, et quel que soit son niveau initial.

Que l’on soit enfant, adolescent ou adulte, les raisons ne manquent pas de vouloir améliorer ses compétences en français ! Avoir de meilleures notes, pouvoir choisir les études que l’on veut, avancer dans le monde professionnel… C’est pourquoi nous essayons à chaque session de constituer un maximum de groupes, afin que ceux qui les composent soient de même niveau et de même âge.

 


Vous nous direz si nous nous trompons, mais il apparait bien que le taux de fréquentation des Af  par les jeunes comoriens a régressé, au moment où  le taux de scolarisation à beaucoup augmenté. Comment expliquer cela et qu’a entrepris l’Af de Mutsamudu, en particulier, pour renverser cette fâcheuse tendance ?


Sur ces dernières années, on remarque une nette augmentation du nombre d’inscriptions d’enfants à l’Alliance française de Mutsamudu.

Ne serait-ce que pour la première partie de l’année 2017, nous avions une dizaine de classes d’enfants et d’adolescents. Il est vrai que de nombreuses actions ont été menées ces derniers mois afin d’accueillir et de fidéliser notre jeune public.

À la médiathèque, nous continuons à proposer régulièrement des animations autour du livre. Nous avons développé une politique d’acquisition d’ouvrages Jeunesse afin de répondre à la demande croissante.

Enfin, dès la rentrée prochaine, de nouveaux titres périodiques feront leur apparition sur les étagères, dont plus de la moitié à destination de ce jeune public.

Au niveau pédagogique, nous développons nos partenariats avec les écoles primaires en vue d’accompagner la mise en place du diplôme Delf Prim, un diplôme destiné aux élèves de 8 à 12 ans. Lorsque cela est possible, nous invitons les établissements scolaires aux expositions et événements de l’Alliance.

De nombreux projets sont par ailleurs menés pour renforcer les liens entre nos classes de jeunes enfants et notre programmation culturelle.

Savez-vous également que l’Alliance française accueille en son sein une troupe de théâtre composée de 27 jeunes acteurs ? Ils ont rempli la salle à la fin du mois de juin pour un spectacle magnifique, Chimène et Rodrigue, que nous espérons voir tourner non seulement à Anjouan, mais aussi dans les autres îles !

 


Comment, par ailleurs, continuer à faire lire des bouquins imprimés à des jeunes qui se sentent beaucoup plus à l’aise avec des écrans tactiles, ou les réunir dans une salle de cinéma à l’ère de Youtube et du streaming ?


Le fait qu’ils aient des écrans à la place de livres ne les empêchent pas de lire, bien au contraire ! Ce n’est que le support qui change. L’appétit de lecture demeure.

Je rappelle que l’Union des Comores était classée 6ème pays en 2015 au classement mondial du nombre d’emprunts dans le réseau des médiathèques des Alliances françaises.

Partout dans le monde, les médiathèques réfléchissent à la manière d’intégrer les nouvelles technologies. Le réseau des Alliances françaises a également engagé cette réflexion.

Avec la stabilité de la fourniture d’électricité à Anjouan, nous pourrons assurer dès la rentrée des services qui sont déjà proposés dans d’autres Alliances, notamment l’accès à Culturethèque, une médiathèque numérique qui constitue un fonds documentaire supplémentaire, que nos adhérents pourront consulter à l’Alliance, sur des tablettes, ou même en dehors, avec une connexion internet.

Que ce soit à la bibliothèque ou en cours, l’intégration de ces nouvelles technologies est primordiale. C’est une réelle source de motivation pour l’usager et l’apprenant.

 


Enfin, qu’est-ce qui vous rend optimiste ?   


Le fait que les Comoriens soient de plus en plus nombreux à vouloir assurer à eux-mêmes et à leurs enfants un avenir qui passe par la maîtrise de plusieurs langues. La diversité linguistique est un atout qui doit être valorisé.

  


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