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Télécommunications : L’impossible interconnexion

Télécommunications : L’impossible interconnexion

Société | -   Mohamed Youssouf

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Selon une énième décision de l’Autorité nationale de régulation des technologies de l’information et de communication (Anrtic), publiée le 24 juillet dernier, l’interconnexion nationale entre Comores télécom et Telco Sa devait entrer en vigueur hier, lundi. En effet, la décision N° 17/004 de l’Anrtic parle d’une interconnexion pour le 31 juillet et d’une signature de convention entre les deux sociétés pour le 30 août prochain. Cette décision comme toutes les autres n’aura finalement eu aucun effet puisqu’il est toujours impossible pour les clients des deux opérateurs de s’appeler mutuellement. Retour sur une saga qui continue de s’étirer dans le temps au grand dam des consommateurs.

 

Avant le lancement officiel des activités de Telco Sa, le vendredi 9 décembre 2016, la question de l’interconnexion était évoquée dans un courrier en date du 3 novembre 2016. A travers ce courrier, le consortium Easy menaçait Comores Télécom de désactivation de sa capacité sur le câble Easy suite à une plainte de Telco Sa qui accusait son concurrent de lui barrer l’accès à la station d’atterrissage de Moroni et de bloquer ainsi l’interconnexion.

Le 16 novembre 2016, le consortium a désactivé la capacité de l’opérateur national sur le câble Easy. Immédiatement, soit le lendemain de cet événement, l’Assemblée de l’Union a entrepris  une médiation pour rapprocher les opérateurs. «Au cours de cette rencontre, Comores Télécom a accepté d’interconnecter et d’activer la capacité à partir de la station de Moroni au profit de la société Telco», expliquait le député Oumouri Mmadi Hassane, dans notre édition N°3052 du 17 novembre 2016.

Cette information a été confirmée par le directeur commercial de Comores Télécom d’alors, Mohamed Marzouk,  qui déclarait que «nous avons intérêt à ce que nous trouvions un terrain d’entente avec Telco puisque nous toucherons un joli pactole. On a envoyé une grille tarifaire à Telma pour l’interconnexion. Nous attendons donc sa réponse», et  le chargé de communication de Telco Sa, Stéphane Aboutoihi,  avait,  de son côté, affirmé que «nous avons reçu une proposition de prix pour le raccordement des câbles et de l’interconnexion».

 

Des décisions non respectées

Une proposition jugée  scandaleuse  par le deuxième opérateur. Devant  le statuquo qui s’est installé, même après le démarrage des activités de Telco Sa, le directeur de l’Anrtic a pris la décision N°-17/001 le 4 février dernier pour encadrer les tarifs des terminaisons d’appels pour les deux sociétés.

On pouvait lire dans cette décision que les deux opérateurs avaient jusqu’au 20 février dernier pour s’interconnecter et que les tarifs des terminaisons nationales d’appels fixe, mobile et sms des deux opérateurs étaient  respectivement de 0,45/seconde,  0,35 kmf/s et 6 kmf pour les sms. À  ce propos, dans notre édition N°3110 du 7 février 2017, le chargé de la question de l’interconnexion auprès de l’Anrtic justifiait cette intervention du régulateur. «Cet encadrement des tarifs par le régulateur a été précédé de plusieurs consultations avec les opérateurs» et que «des sanctions financières et des poursuites seraient engagées contre l’opérateur récalcitrant», nous déclarait Saïd Mohamed Abdoulwahab. La date butoir du 20 février n’aura rien changé et aucune sanction n’aura été prise.

Pourtant, l’ancien directeur commercial de Comores Télécom, Mohamed Marzouk,  aujourd’hui suspendu, déclarait dans Al-watwan N°3111 du 8 février 2017 que «Comores Télécom est d’accord sur la décision de l’Anrtic. Nous sommes en parfait accord et nos techniciens sont même prêts à s’interconnecter dès aujourd’hui». Visiblement, les actes n’auront pas suivi cette volonté manifeste. Raison pour laquelle, le directeur général de l’Anrtic a dû s’expliquer dans notre numéro 3128 du 3 mars 2017. Saïd Mouinou Ahamada déclarait que «l’interconnexion nationale n’est pas effective car Comores Télécom exige la révision de la convention d’établissement de Telma-Comores, l’abrogation de l’arrêté qui octroie certains avantages, notamment fiscaux à Telco Sa, et la révision des tarifs des appels internationaux entrants de son concurrent».
 Pour la première fois, l’autorité nationale a pointé du doigt les responsables de l’opérateur historique.

 


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Le temps s’est écoulé, mais les positions restaient figées jusqu’à l’entrée en scène des conseillers présidentiels qui se donnaient une semaine pour régler la situation. C’est ainsi que dans Al-watwan numéro 3136 du 15 mars 2017, le conseiller du président de la République, Saïd Abdallah Cheikh Soilihi annonçait que des discussions avaient eu lieu entre les différentes parties et que certains «quiproquos étaient levés».

«N’oublions pas que Comores Télécom est une société nationale et en cas d’intervention du chef, elle serait dans l’obligation de respecter les décisions prises», avait-il dit. Malgré cette position, les deux opérateurs n’ont toujours pas réussi à trouver une entente.

 


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Un manque de fermeté ?

C’est à la surprise générale que, dans un courrier du 14 avril 2017, le directeur général de l’Anrtic, Saïd Mouinou Ahamada a exigé la hausse des tarifications internationales de Telco Sa sans pour autant que cette mesure favorise l’interconnexion (Al-watwan N°3162 du 20 avril 2017).  Pour trouver un nouvel épisode de ce feuilleton, il a fallu attendre jusqu’au 22 mai 2017 date à laquelle, le secrétaire général du ministère des Transports, Saïd Salim Dahalane annonçait un compromis. Enfin, pouvait-on dire. «Aujourd’hui, nous venons de signer un procès-verbal avec les deux opérateurs en présence du régulateur national des Tics permettant l’interconnexion nationale des deux réseaux. Dès demain (23 mai, Ndr), tous les clients de Telco auront la possibilité d’appeler les clients de Comores Télécom et vice-versa», avait prédit, Dahalane sans succès visiblement.

 


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En effet, pendant les deux jours qui ont suivi cet accord, les abonnés de Telco Sa pouvaient appeler ceux de Comores Télécom, mais l’inverse était toujours impossible. Raison pour laquelle, Telma parlait d’un “jeu de poker menteur”  lorsque Comores Télécom justifiait l’absence d’interconnexion par l’incapacité de ses agents.

Malgré cet accord et la validation du catalogue des prix de Comores Télécom le 24 juin dernier par l’autorité nationale, Mohamed Marzouk a, dans une conférence de presse tenue le 30 mai dernier, expliqué que les deux opérateurs devaient obligatoirement signer une convention sur les prix que chacun devra verser à l’autre en cas d’appels. «Sans ce contrat, il ne peut y avoir d’interconnexion», avait-il indiqué. L’interconnexion nationale bloque et rien ne présage un changement dans les plus brefs délais. Les différents rappels à l’ordre n’y auront rien changé. A croire que les directeurs des différentes sociétés d’Etat étaient au-dessus de tout.

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