1. Pouvez-vous rappeler ce qu’est le Zafah et en quoi il constitue un élément majeur du patrimoine culturel immatériel comorien?
Le Zafah, ou Zifafa pour les comoriens, constitue un élément fondamental du patrimoine culturel immatériel comorien, au sens défini par la Convention de l’Unesco de 2003, qui reconnaît comme patrimoine vivant les pratiques, représentations, expressions, savoir-faire et rituels transmis de génération en génération. Le Zifafa s’inscrit précisément dans cette dynamique, en tant que pratique sociale et cérémonielle profondément ancrée dans le Anda na Mila, un socle normatif et culturel de la société comorienne.
Il ne s’agit pas d’un élément isolé, mais d’un fragment significatif d’un ensemble plus vaste comprenant notamment le Madjilisi, le Djaliko ou encore le Mawulida yamtrodahoni. A travers ces pratiques, la société comorienne exprime sa conception du lien social, de la famille, du sacré et de la célébration collective.
Le Zifafa, en tant que procession nuptiale accompagnée de chants, de danses, de parures et de gestes symboliques, présente des similitudes avec des pratiques observées dans d’autres pays comme Djibouti, la Mauritanie, Irak, les Emirats, la Somalie, la Jordanie, notamment sous l’appellation de «Zifah». Toutefois, sa spécificité comorienne est manifeste : contrairement à d’autres contextes culturels où la mariée est conduite vers le domicile conjugal, aux Comores, c’est le marié qui est accompagné vers la demeure de la mariée. Cette inversion symbolique confère au Zafah une identité propre, tout en illustrant la capacité des sociétés à adapter des formes culturelles partagées à leurs valeurs locales.
2. Quelles seraient les retombées culturelles, sociales et économiques de l’inscription du Zafah au patrimoine mondial de l’Unesco?
L’inscription du Zafah sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité constitue, avant tout, un acte de reconnaissance internationale, valorisant une pratique vivante qui structure encore aujourd’hui la société comorienne ou celle de pays cités précédemment. Elle permet, par ailleurs, également de renforcer le sentiment d’appartenance et de fierté culturelle au sein des communautés concernées.Sur le plan social et culturel, cette reconnaissance offre l’opportunité de développer des espaces de coopération et de célébration partagée avec les pays qui portent des formes culturelles apparentées.
Le véritable défi demeure la sauvegarde, la transmissionet la pérennisationde ces éléments.C’est pourquoi la question de l’enseignement, notamment à travers l’intégration de ces pratiques dans les programmes scolaires et éducatifs, apparaît essentielle.
Des événements communs, tels que des festivals ou des rencontres interculturelles, pourraient ainsi être organisés, favorisant le dialogue, la compréhension mutuelle et la consolidation des liens historiques.D’un point de vue économique, la valorisation du zifafa pourrait devenir un levier de développement local, à travers la promotion de produits culturels et artisanaux, la création de manifestations culturelles structurantes, ou encore la mise en place de musées dédiés, qu’ils soient physiques ou virtuels.
Ces initiatives contribueraient à une économie culturelle durable, tout en assurant une meilleure transmission de l’élément.
3. Ce projet ouvre-t-il la voie à d’autres candidatures de biens comoriens ?
Ce projet s’inscrit dans une réflexion plus large sur la valorisation et la reconnaissance du patrimoine immatériel comorien.
D’autres éléments pourraient, à terme, faire l’objet de candidatures, à l’image du Mrenge, partagé notamment avec Madagascar et la Réunion, ou encore de certaines expressions du patrimoine culinaire comorien qui demeure largement sous-représentées dans les dispositifs de reconnaissance internationale. Des pratiques et savoir-faire tels que le Mkatre wadjungu, l’Ipenya ou encore le kofiya yahazi font déjà l’objet de travaux exploratoires dans le département du patrimoine du Cndrs.
Toutefois, l’enjeu central ne réside pas uniquement dans l’inscription. Le véritable défi demeure celui de la sauvegarde, de la transmission et de la pérennisation de ces éléments. Inscrire un patrimoine sans garantir les conditions de sa continuité serait insuffisant.C’est pourquoi la question de l’enseignement, notamment à travers l’intégration de ces pratiques dans les programmes scolaires et éducatifs, apparaît essentielle.
La reconnaissance internationale doit ainsi aller de pair avec une politique nationale ambitieuse de transmission, afin que ces éléments continuent de vivre, d’évoluer et de faire sens pour les générations futures.
