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3 Questions à… Soulaiman Mzé Cheikh / “Je suis toujours dans une dynamique nouvelle”

3 Questions à… Soulaiman Mzé Cheikh / “Je suis toujours dans une dynamique nouvelle”

Culture | -   Dayar Salim Darkaoui

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Exilé en France depuis près de vingt ans, l’artiste revient au pays. Ce «retour aux sources» est censé l’aider à renouer avec ses influences musicales originelles. Objectif: un album “Made in Comores”. Après le twarabu traditionnel “il me fallait donner un nouvel élan à notre musique, y rajouter un peu de technique, de théorie musicale. Je me suis retrouvé entre deux répertoires : la «world music» et ce que j’appelle l’«afro-oriental». Je m’inscris toujours dans cette dynamique.

 

1. Vous avez débuté par du twarabu traditionnel. Puis votre musique a beaucoup évolué pour prendre des accents plus modernes. Où en êtes-vous?


J’ai commencé par du twarabu tout simplement parce que les associations de  genre traditionnel faisaient, à l’époque, office d’école de musique.Il n’était pas toujours facile de se procurer des instruments de musique. Quand on était comme moi passionné de musique, il fallait impérativement intégrer une association. C’était l’occasion d’apprendre. Il y avait une sorte de transmission de savoir.
Je m’étais fait un nom à travers l’orchestre Asmine Dahalane. Nous jouions un peu de tout, mais essentiellement du twarabu traditionnel. Au début des années 1990, nous avons commencé à nous inspirer de «world music» en surfant notamment sur la révolution musicale africaine. Nous avons suivi les pas du Sénégalais Youssou N’dour ou encore du Malien, Salif Keita.
Il n’était pas, alors, toujours facile de faire comprendre aux gens ce que nous faisions, mais il fallait à un moment ou à un autre donner un nouvel élan à notre musique, y rajouter un peu de technique, de théorie musicale.
On s’est donc retrouvé avec deux répertoires : la «world music» et ce que j’appelle l’«afro-oriental» (du twarabu avec une rythmique africaine, des arrangements instruments occidentaux et une mélodie orientale). Je suis toujours dans cette dynamique, dans un mélange de musique africaine avec du pop, jazz, rock, folk, etc.


2. Quel regard portez-vous sur la musique comorienne, et sur la nouvelle génération d’artistes en particulier?



c’est une “génération machine”. A notre époque, nous utilisions la machine dans le but d’améliorer notre musique mais pas pour la composer carrément. Nous passions des semaines entières à travailler nos oeuvres. Nous ne pensions qu’au live. Actuellement, c’est soit de la reprise, du mime ou du sample. Tout repose sur la machine. On peut même craindre que le jour où il n’y aura pas de machine, il n’y ait plus de musique vraiment. Le côté manuel est délaissé. Personne ne veut faire, par exemple, de l’électro. Il ne vous a sans doute pas échappé que même dans les sambe et ukumbi, on a mis de côté les tari et ngoma au grand bonheur des Dj. Alors que beaucoup de pays luttent pour préserver leurs traditions, aux Comores on suit le sens inverse. Esha mdru sho hindru baykwa sho sha nkutsu.
Il y’a une génération née avec les nouvelles technologies. Elle ne peut s’en passer, et c’est tout à fait normal. Mais il faut savoir apporter sa pierre à l’édifice. Des artistes tels qu’Imane et Cheikh Mc l’ont bien compris. Imane est allée puiser au fin fond de ses racines pour trouver une musique qui restitue son identité métissée. Elle est dans une sorte de «pop bizarre». Ce que fait Cheikh Mc, c’est du rap comorien, du hip hop twarabu. Tous deux ont su se démarquer, apporter quelque chose d’originale. Ils font vivre leurs traditions au-delà des frontières.

"Je ne retrouverai peut-être pas toutes mes influences originelles, mais je compte néanmoins me mettre à pied d’oeuvre".


3. Vous venez récemment de vous installer aux Comores, et avez entamé une série de concerts. Quels sont vos projets?


Je suis là depuis le mois de juillet, et c’est bien pour rester. J’étais jusqu’ici resté discret, mais je compte signaler ma présence au public comorien. D’où cette série de concerts. Celui prévu hier (vendredi 26 octobre, Ndlr) n’a pas eu lieu, pour des raisons techniques. Je saisis cette occasion pour adresser mes sincères excuses à tous les fans qui se sont déplacés jusqu’à l’Alliance française de Moroni.
Mon objectif était de revenir aux sources, m’imprégner du rythme comorien en vue de la préparation d’un «album made in Comores». Je ne retrouverai peut-être pas toutes mes influences originelles, mais je compte néanmoins me mettre à pied d’oeuvre.
Certains me reprochent souvent d’avoir contribué à la mort de la création artistique aux Comores. Et ils ont, quelque part, raison. J’assume ma part de responsabilité. Mdri wa puha ezitswa ko meya.
A mon époque, nous avions des références. Aujourd’hui les jeunes sont sans repères. Ils n’ont personne sur qui s’identifier.
Les quatre mois passés ici m’ont fait beaucoup de bien. Je pensais que les gens avaient oublié ma musique. Mais quand je vois en concert la jeune génération reprendre mes anciennes chansons, cela me comble de joie.


Propos recueillis par
Dayar Sd

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