Le plasticien Da Genius a présenté sa nouvelle exposition Magnile (Cheveux en shikomori), vendredi dernier à l’alliance française de Moroni. Dans cette création qui entremêle l’art plastique et l’écriture, les champs anthologiques, sociaux et esthétiques se retrouvent, ouvrant la réflexion sur la symbolique et l’esthétique des cheveux et de toutes les coiffures marginalisées afro au sein de la communauté noire.
Les coiffures adaptées aux cheveux crépus suscitent critiques et, parfois, propos racistes partout dans le monde, y compris sur le continent noir. À travers ses oeuvres, Da Genius propose un questionnement sur le passé, le présent et le devenir de la coiffure afro aux Comores, en particulier.“Cette nouvelle création de Gamil m’a laissé sans voix, c’est très beau ! Il a abordé un thème très important mais non encore compris dans la société comorienne. Il a recouru à des techniques originales et précises. Il ne tâtonne pas, il sait ce qu’il fait”, a apprécié le peinte, Ahmed Nourdine Ben Ahmed.
«Tirer la sonnette d’alarme»
Le slameur et plasticien arbore sur les cimaises de l’Alliance française des portraits de personnages réels et parfois connu du milieu artistique. Ils racontent l’histoire de la perception de leur coiffure dans la société comorienne. La “discrimination capillaire” semble avoir de beaux jours devant elle. Rien que vendredi dernier, plusieurs jeunes ont été complètement rasés par des éléments des forces de l’ordre. Leurs crimes? Leurs coiffures afro, “dégradées” et autres dreadlocks.
Magnilé tente de “tirer la sonnette d’alarme afin de conscientiser les gens sur la perdition d’une partie de leur patrimoine”.Dans les années 1970, la coiffure afro été à la mode dans la société comorienne notamment au temps des “Maboto”. Pourquoi ce soudain revirement de situation qui pousse certains à renier leur histoire et leur culture. La “Perception Institut” a révélé en 2017 qu’une femme noire sur cinq ressent la pression sociale de se raidir les cheveux. Personne n’accepte la beauté naturelle de ses cheveux.
“C’est dommage que nos anciens qui, autre fois, portaient les coiffures afro se dressent aujourd’hui contre les jeunes. Je trouve qu’on s’oublie et notre culture avec. Les cheveux sont essentiels, ils véhiculent une histoire, une culture, une personnalité. Cette expo va être évolutive, à chaque nouvelle présentation, surgira d’autres figures et leurs histoires avec. Il y a beaucoup à dire dans cette réflexion mais ma première piste de réflexion et de montrer que c’est beau”, a précisé Da Genius.
La question liée à la “discrimination capillaire” intéresse peu aux Comores alors qu’elle suscite un débat ailleurs. Aux Usa, par exmple, la discrimination raciale contre les cheveux afro a été rendue illégale en Californie et dans l’Etat de New York. La Commission des droits de l’Homme de la capitale américaine a également publié des conseils juridiques liés à la protection et adopté des mesures contre la discrimination raciale sur la base des cheveux naturels et des coiffures. Quand une telle réforme verra-t-elle le jour en Afrique et aux Comores en particulier?
Mahdawi Ben Ali