Le rappeur Asam Mungoina comptait bien communier avec son public mercredi dernier à l’alliance française de Moroni après la sortie de son nouvel album Anza Shipaza (As de pique) (lire notre précédente édition. C’est chose faite. L’artiste de Ntsudjini a mis tout le monde d’accord. L’entrée en scène a été majestueusement ouverte par la troupe Scout Ngome avec une danse et un chant qui ont donné plus de saveur encore à l’album. Cela, même si la séquence a été jugée trop longue par certains avant que l’artiste n’apparaisse et fasse tout oublier.
Valoriser le Shikomori
Quelques artistes, comme la tête d’affiche, ont presté avec des textes qui questionnent autrement sur la société comorienne. Avec Unambiye, Asam décrie l’»hypocrisie de l’Homme» face à son prochain. «Heni wahangu nananiye ba ntsi wohamba «ça va» na hunu kozendao, nananiye ba ndroso zipandra mlima ngazi heyawo, nananiye utsilinde nife nge udje unililiye / Tahalili hapwapvwa udje Univuriye/ Mali wanidhumania ntso unisaydiye / Nirehemu namuwo nishukurie / Utsilinde ngamlolo udje unitsangiye / Fanya zahukaya maudu nidjihimilie / Utsinirumye no mbiho Udjitriye», assène-t-il dans ce morceau sensé refléter une certaine réalité comorienne.
«Aujourd’hui, les thématiques dans la chanson comorienne tentent de prendre un autre tournant. Avant, les artistes tiraient à boulets rouges sur l’action des autorités de l’Etat pour espérer faire le buzz, ce qui n’est plus le cas actuellement, du moins en ce qui me concerne. Unaniye en est un parfait reflet. Au pays, on peut te prêter des millions pour faire un mashuhuli traditionnel, mais pas pour ouvrir une entreprise. C’est bizarre. Nous sommes déphasés. On minimise tout, même en pleine galère on dit que tout va bien, d’où l’expression «ça va ya shikomori». Il faudrait vraiment tout revoir», soutient le rappeur.
Comme promis, Anza shipaza a invité la tradition à ce rendez-vous hip-hop avec des morceaux faits de shigoma, de dayira ou de sambe.Bien plus encore, le rappeur est resté fidèle à son appel constant à valoriser la langue comorienne, une chose qui lui tient fort à cœur : «La valorisation de notre langue n’attend que nous. Ce n’est pas parce que je vis en France que je dois, forcément, chanter en français. Dès mes débuts et après une analyse minutieuse, j’ai opté pour le shikomori comme langue d’écriture. Comme on le voit avec Salim Ali Amir, Cheikh Mc ou encore Maalesh, les chanteurs qui ont marqué le pays ne chantent pas en langue étrangère», fait-il remarquer.
Vraiment dommage
Bien qu’Asam ait été la tête d’affiche, plusieurs spectateurs ont attendu avec impatience l’entrée en scène de Titi le Fourbe et Bil Wiz qui ont mis le public en ébullition dès leur entrée en scène. Rien qu’avec la mélodie du morceau Maka na madina, le public a envahi la scène et, malheureusement, perturbé sérieusement le concert. Débordé, la sécurité n’a pas fait le poids face à la fougue de ces jeunes littéralement en transe. Heureusement, aucun dégât n’est à déplorer.
Les textes de Bil wiz, Titi ou encore Asam appellent au «changement». Un changement qui doit, pourquoi pas, commencer par ce public qui confond mettre le feu en étant en parfaite harmonie avec le chanteur et f… le b… au sens propre de l’expression : «Ce n’est pas bien, nous sommes là pour bien nous amuser ensemble, si ça continue, nous allons devoir tout arrêter», a menacé Bil wiz. Sans succès. Des vagues de spectateurs ont continué à déferler sur la scène, encore et encore, au point qu’Asam a dû faire son dernier morceau dans le public vu qu’il n’y avait pas vraiment de différence entre être sur scène et être dans le public. Ce qui est vraiment dommage…
Une question d’habitude?
«Le public a répondu présent, il était trop chaud. J’étais ému surtout qu’il reprenait en choeur toutes mes chansons alors que l’album n’est sorti que tout récemment. Toutefois, que certains soient montés sur scène ne donne pas une bonne image de la scène musicale du pays, même s’ils ne voulaient pas faire du mal. Je pense que cela est dans nos habitudes du fait que cela est admis régulièrement lors des concerts de twarabu «, tente de comprendre l’auteur de Damu. Côté guest, n’y a pas eu que du top dans ce show au cours duquel Ibou Black, Djamb Saïd, Bahata ou encore le musicien Solam ont présenté des prestations tout juste acceptables. «Il était impératif que je prenne part à ce concert de mon ami Asam. Dans un pays où il est si difficile de vivre de son art, il est important de se soutenir entre artistes si on veut vraiment pouvoir développer ce secteur», devait conclure le chanteur, Ibou Black.