L’association Semer en Territoire a tenu pendant plus de dix jours, seize ateliers de «recherche et de création littéraire et musicale» à la prison de Koki à Ndzuani. Pendant plus de vingt-sept heures, Etienne Russias, accompagné de infirmier à l’hôpital Psychiatrique Ste Marie de Clermont-Ferrand en France, Samy Yassine, de slameurs du collectif Pomwezi et du chanteur Gololo Chams, ont animé des ateliers à la maison d’arrêt de Koki qui ont donné naissance à des textes plutôt remarquables. «Chacun de nous à une plume de poète bien cachée en lui sauf que personne ne le sait avant de se lancer», assure Etienne Russias. Et c’est bien ce qui s’est révélé à Koki.
«C’est de la grande poésie. Nous avons passé des moments incroyables avec eux, nous avons créé une belle communauté, presque une famille. Aujourd’hui, avec la trace de ces textes, nous pouvons prouver que les détenus de koki sont des poètes. Nous avons eu des résultats hyper qualitatifs», a-t-il précisé.De ces ateliers est né la team Karibu vanille composée de prisonniers et formateurs qui ont accouché de textes aux mots doux, d’amour et parfois durs qui parlent d’espoir, de beauté, de rêve, de voyage, de la vie, du vivre ensemble et de liberté. Des moments d’écriture et de partage «libérateurs» des détenus de cette prison aux conditions carcérales tant décriées.
«Certains n’en reviennent pas que ce soit des prisonniers qui ont pondu ses textes. Cependant, ils oublient qu’un détenu n’est pas forcément un ignorant, un illettré ou un criminel. Ce n’est pas parce qu’ils sont en prison ou ont commis une erreur qu’ils ne sont pas de bonnes personnes. Il y’a pire qu’eux qui vivent en liberté. Nous avons partagé de beaux moments avec eux. Il faut pérenniser cette expérience qui a libéré leurs esprits», soutient Ben Mohamed Ibrahim du collectif Pomwezi.
Pendant la restitution, les prisonniers spectateurs ont halluciné. Ça criait : «ouvrez les portes et laissez nous regarder». Ils scandaient le nom d’Oussam, ce détenu devenu populaire grâce à sa poésie. Par moment, même les gardiens ont commencé filmer. «Il y’a des prisonniers qui ne parlent plus depuis un an et qui n’ont toujours pas été jugés et voilà qu’ils se trouvent devant deux cent personnes à faire un texte puissant. Des gens demandaient qu’est-ce que vous leur avait fait? Rien, c’est la poésie qui les a changée», lance Etienne Russias.Ces textes collectifs de plusieurs pages vont être présentés en France par l’association Semer en Territoire qui a tenu à remercier l’Alliance française et l’Ambassade de France aux Comores qui a rendu cette expérience possible. «Maintenant, les gens se sentent libérés. J’aimerais que ce qu’on a fait puisse continuer. J’ai vu des gens heureux échanger les uns avec les autres. Je me suis senti vivant», a déclaré un détenu.