Le commissariat en charge de l’Enseignement, de la Culture et des Sports de l’île de Ndzuani a clôturé la série de compétitions culturelles scolaires, intitulée Le Défi, par l’élection, le mercredi dernier, de Bibi Gawuni et Bibi Shiromani. Ce sont les lauréates d’un défilé de mode à l’anjouanaise, à travers lequel les autorités culturelles ont souhaité mettre en valeur l’habillement traditionnel anjouanais, ainsi que le charme et la grâce de la femme anjouanaise.
La cérémonie, organisée à la Citadelle de Mutsamudu, avait vu la participation de plusieurs jeunes filles, qui ont visiblement donné du fil à retordre au jury de trois dames censé les départager. Des cadeaux et des certificats ont été remis aux deux premiers choix du jury, mais également à toutes les participantes.
Pour Mansour Baydhoine, le commissaire chargé de l’Enseignement de l’île, de telles initiatives ne visent ni plus ni moins qu’à «couper l’herbe sous le pied des invasions culturelles modernes qui ne nous appartiennent pas, au profit de notre tradition».
Sans doute, faisait-il une allusion directe ici aux concours de beauté importés de l’occident. «Ceci était parmi mes vieux rêves, avant même d’occuper ces fonctions. Nous avons débuté cette année avec Bibi Gawuni et Bibi Shiromani, mais l’année prochaine nous introduiront également des Bwana pour valoriser aussi l’habillement traditionnel masculin», a de son côté expliqué Farid Rachad, directeur de la culture, connu pour avoir très tôt baigné dans le militantisme culturel.
Selon Nassuf Mouhidine, un jeune sociologue issu de l’association Jeunes patrimoines des Comores (Jpc), qui est intervenu au cours de la cérémonie, l’origine de cette pièce d’étoffe portée par les femmes anjouanaises et que l’on appelle Shiromani remonte à la fin du dix-neuvième siècle, précisément lors des événements du 3 août 1892.
Ce jour-là, des femmes de Mutsamudu, sous l’égide de la princesse Kassab, auraient battu le pavé, toutes voilées de tissu noir (symbole du deuil) et rouge, après que l’armée française eût, le matin, envahi la cité, commis des exactions et remplacé la bannière rouge frappée d’une main du sultanat d’alors par le drapeau français, hissée sur la Citadelle.
«Le premier vrai Shiromani aurait, toutefois, été confectionné en 1900 par Hassanaly Kaderbay et le grand-père de Mohamed Kadi. D’où le surnom de ‘’Karo la Hassanaly’’ donné jusqu’à aujourd’hui au Shiromani. La couleur originelle du Shiromani est le rouge, drapeau du sultanat de Ndzuani», nous précise Nassuf.
Selon toujours le sociologue, le premier Gawuni anjouanais aurait été porté par l’épouse du prince Salim, fils du sultan Mawana, lors de leur mariage en 1840. Il lui aurait été offert par la femme d’un notable de Mutsamudu originaire d’Angleterre mais qui avait élu domicile à l’île Maurice.
Cette robe, à ses origines, aurait été constituée d’une seule pièce. Son apparence actuelle (deux pièces, chemise et jupe) serait le fruit d’une modification progressive à laquelle auraient contribué des couturières de Koni (popeline blanche intérieure), de Domoni (col), de Mutsamudu (manches) et de Sima (boutons de fermeture).