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Ccac-Mavuna, cinq ans à vivre sous perfusion

Ccac-Mavuna, cinq ans à vivre sous perfusion

Culture | -   Dayar Salim Darkaoui

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C’est un véritable cri du cœur que lance le président du Centre culturel et artistique, Soumette Ahmed, à l’endroit des autorités et des artistes comoriens de renom à l’image de Soprano, ambassadeur des Comores de la culture. «Au rythme où vont les choses, le seul Centre culturel du pays va droit au mur. L’avenir d’un gratin de jeunes artistes en tout genre est en jeu».

 

Un p’tit tour et puis s’en vont. A peine finissent-ils le spectacle ou jettent-ils un coup d’œil à l’intérieur du Centre. Quant à s’enquérir de son état de santé, n’en parlons même pas. Ils, ce sont les responsables du ministère et direction de la culture, que le président du Centre de création artistique et culturelle des Comores (Ccac-Mavuna), Soumette Ahmed, ne cesse de prendre à partie. Largement à raison.
Cinq ans et des dettes en pagaille. Le Centre traîne, aujourd’hui, près de vingt millions d’impayés. L’État, en bon samaritain, s’est contenté de remettre, un jeudi 15 mars 2012, les clés du local, sis à Moroni-Djomani, à l’ancienne chambre froide de la Socovia. Et puis… plus rien. «Une donation», rabâche-t-on ici et là. Sauf que celle-ci n’est pas descendue du ciel, relève le président du «Centre». «Nous avons dû batailler fort pour avoir cette donation». Le comédien et metteur en scène en profite pour réitérer ses remerciements au gouvernement et, particulièrement, au ministre de la Culture de l’époque, Mohamed Issimaila, «le seul à avoir toujours témoigné un intérêt pour la culture», dit-il.

Djilele

Les remerciements s’arrêtent là. Il faut dire, qu’en cinq ans, le Ccac-Mavuna n’aurait bénéficié d’aucune aide de la part de l’État. Même en matière de mobiliers, encore moins de budget de fonctionnement. Un peu comme si l’on donnait naissance, sans vraiment le vouloir, à un enfant et lui demandait, aussitôt sorti du ventre de sa mère, de voler de ses propres ailes. Un djilele, comme on dit.
Rien en effet, à part un acte de donation, ne lierait le Centre culturel du ministère de la Culture. Toujours est-il que l’enfant ne s’est pas laissé dépérir. Il a frappé à toutes les portes et peut se targuer aujourd’hui, non sans rancœur, de disposer d’une «bibliothèque convenable», grâce notamment aux efforts de l’association «Ysia : les Comores au cœur !», basée à Auxerre, en France. Le Centre doit également, à cette même association, les haut-parleurs, les vidéos-projecteurs ainsi que les pinceaux. Le mobilier de bureau, lui, provient du Service de coopération et d’action culturelle (Scac) de l’ambassade de France. Un de ses partenaires réguliers avec, entre autres, l’Unicef et l’Alliance française.
Les apports du ministère et direction de la Culture, se limiteraient à des enveloppes remises, de temps à autre, à l’occasion des festivals. Mais, «le développement des arts et de la culture ne peut pas être suspendu à un festival», lance Soumette Ahmed.

Seulement 2,5 millions !

Pour dire que le Ccac-Mavuna, seul centre culturel du pays en dehors de l’Alliance française, ou le seul Centre culturel des Comores, pour faire court, mérite un peu plus de considération.
En tout cas ce ne sont pas les initiatives qui manquent. «Ce qui me fait le plus mal, ce qu’ils ne prennent même pas la peine de répondre», lâche le comédien en parlant de ce «tas de lettres» envoyées au ministère de la Culture. L’une d’elles estime, par exemple, le budget de fonctionnement, annuel du Centre à 2,5 millions de francs comoriens. Elle est restée sans suite, tout comme le projet de réhabilitation, évalué par un architecte de Paris à environ 50.000 euros soit quelques 25 millions de francs comoriens. Est-ce si chèrement payé que ça?


Le Ccac-Mavuna ne doit sa survie qu’à l’envie des artistes car, comme le souligne son président, «c’est une question d’envie avant d’être une question d’argent».
Ils sont quatre à y travailler, bénévolement, suppléés dans leur tâche par des artistes mus de volonté. Ils doivent guetter les appels à projets pour faire vivre le Centre, sachant que la majeure partie des activités qui y sont organisées sont non payantes. La seule à percevoir un salaire, c’est la bibliothécaire qui, elle, a été envoyée et est rémunérée par le Département de service civique de La Réunion.


Un cri du cœur

La première «crainte» de Soumette Ahmed, justement, c’est de voir la bibliothèque fermer. Il se trouve que la jeune femme arrive, en novembre prochain, au terme de sa mission. L’avenir est donc incertain pour la bibliothèque Salim Hatubou et ses cent-cinquante abonnés dont, essentiellement, des enfants. «Si on ferme, on tue une mémoire», mais pas que. Au-delà en effet de la Culture, il y a toujours cet aspect éducatif. Ils sont, en moyenne, deux à trois enfants à profiter chaque semaine des activités à la fois ludiques et éducatives tenus les mercredis.
Le président du Ccac-Mavuna peut, oui, «parler sans langue de bois». Que vaut un ministère ou une direction de la Culture sans… Culture ? Plus qu’une critique, c’est un cri du cœur que lance Soumette Ahmed. À l’endroit des autorités voire des artistes comoriens de renom à l’image de Soprano, ambassadeur des Comores de la culture. Au rythme où vont les choses, le seul Centre culturel du pays va droit au mur. L’avenir d’un gratin de jeunes artistes en tout genre est en jeu : chanteurs, danseurs, peintres, comédiens, cinéastes, photographes, poètes, slameurs, etc. Ils ont beau clamer «beaucoup croire en la culture» mais sans soutien, le collectif risque de perdre ce bien durement acquis. «Espérons que l’on n’en arrivera pas là !».
Dayar Sd

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