Le troisième prix 2017 du Salon de la mode de l’Océan indien, Abdou Chakour, continue de vêtir ses compatriotes, en particulier, avec sa marque, Chak-art, au couleur des îles sur tissus africains. Dans son petit atelier à Djomani au sud de Moroni, on manie machines à coudre mécaniques et électroniques, ciseaux et aiguilles dans un silence studieux.Bienvenue dans cette boite créée en 2013 sous le nom de Chakour design devenue, cette année, Chak-Art. Le maître et ses trois apprentis y modèlent jupes, pantalons, vestes, casquettes, chaussures et divers accessoires de mode.
Après son dernier défilé au Retaj, Chak-Art croule sous les commandes. A 8h 30, ce mercredi, le maitre multidisciplinaire était déjà sur sa “surjetteuse” prêt à en découdre avec les tissus. Une porte sépare son domicile de l’atelier. Un moyen d’être quotidiennement en relation avec son travail. Un petit espace plutôt bien aménagé. Sur une des étagères loge plusieurs coupons de tissu de diverses qualités, en dessous un arc-en-ciel de filles à coudre et, pas loin, une machine mécanique.
Sur la table centrale, une “surjeteuse”, un fer à repasser, des instruments géométriques, un manuel à croquis de modèle et son ordinateur de travail.“Chak-Art” ou “chaque art”, l’un ne va pas sans l’autre pour cet artiste pluridisciplinaire. Dans sa longue table à repasser sont exposés divers accessoires allant des boucles d’oreille aux colliers, bracelet et sac en passant par des portefeuilles et autres sacoches.
«Sur les traces de maman»
“Contrairement à certains stylistes locaux, j’habille mes modèles. Je ne fais jamais appel à d’autres pour les accessoires de mes créations. J’aime bien marier les tissus à ma manière propre. Cela grâce à une formation en 2015 en bijoux en papier par Rachel Mitindi et une seconde en haute design et confection d’accessoires de produits recyclés”, a-t-il souligné.Pendant qu’il travaille sur de nouvelles collections, son assistant, Nassurdine Youssouf, repassait des bouts de tissus pour en faire des colliers, des bracelets et d’autres accessoires.
“Nouveau au Chak-Art, je m’occupe à couper des tissus, repasser, faire des accessoires et apprendre à manier les ciseaux et les machines. Je ne travaille pas encore sur des modèles de hautes qualités mais je bosse dur pour atteindre l’excellence. En fait, je suis les traces de ma maman qui a été couturière tout en me projetant vers de nouvelles créations. C’est pourquoi j’ai intégré Chak-Art”, révèle cet apprenti.
Dans la cour des grands
Outre les collections ordinaires, l’atelier reçoit des demandes de chanteurs, slameurs, comédiens, plasticiens.Il a d’ores et déjà habillé le rappeur Cheikh Mc, le comédien, Soumette Ahmed avec seize modèles à l’occasion de tournées en France, la compagnie Tche-za pour leur diverses créations, les chanteurs Zoubs Mars et Ibou Black dans leur dernier clip, les artistes, Eliasse Ben Djoma, Lee-Nossent, la compagnie Shime, les slameurs, Da Genius et l’ivoirienne Aminata Bamba alias Amee.
“La petite entreprise commence à pousser des ailes. Son état de santé commence à être moins fragile. Auparavant, je travaillais avec une seule machine. Aujourd’hui, j’ai plusieurs machines industrielles, deux surjetteuses et un ciseau électrique qui peut couper une dizaine de modèles à la fois”, estime l’habilleur du Parolier du Karthala.
Aujourd’hui encore, l’atelier continu à confectionner des cache-nez. Ici on considère avoir contribué à la lutte contre le coronavirus à travers la confection de masques en collaboration avec la direction de l’artisanat et avec des formations menées à Ndzuani, Mwali et Ngazidja dont certains en ligne.
Sur différents recoins de l’atelier, on peut voir des tableaux décoratifs faits de tissu autant de créations d’Abdou Chakour. “Étant un fervent gardien de l’environnement, je me dois de contribuer à garder un environnement immédiat saint”.Par ailleurs, ses tableaux portent une attention particulière sur tout ce qui est identité africaine à travers les motifs de nos tissus. Tous sont faits avec uniquement des chutes de tissus, “un moyen, là aussi, de protéger l’environnement”, assure-t-il.
Pour que se perpétue un savoir-faire!
Abdou Chakour essaie de faire se perpétuer ce savoir-faire qu’il dit avoir hérité de sa mère avant d’être initié par son oncle. “La mode est dans le sang. J’ai commencé la couture dès ma plus tendre enfance. Puis j’’ai ouvert mon premier atelier en 2009 à 19 ans. C’est avec ma rencontre avec Zakaria Mohamed de la marque Zenden couture que ma passion à prix son envol. J’ai acquis de nouvelles techniques qui m’ont permis de peaufiner ma touche personnelle. Aujourd’hui, j’assure des ateliers, notamment, aux élèves de la terminale et la première année du lycée professionnel de couture à Maore”, devait-il nous apprendre.
Aux jeunes stylistes qui aspirent à une carrière professionnelle, Abdou Chakour recommande la patience et la confiance en soi. “Il faut le faire, avant tout, pour soi et être ouvert aux critiques. Les obstacles, il y en aura toujours mais il ne faut jamais baisser les bras. La magie de ma petite réussite est l’honnêteté en vers les clients, être toujours à leurs dispositions au moment opportun, ne jamais faillir à un délai et crée des modèle selon leur goût”.
Mahdawi Ben Ali