Pour célébrer le Cinquantenaire de l’indépendance des Comores, le Centre national de documentation et de recherche scientifique (Cndrs) a réuni dans ses locaux, le 5 juillet, des chercheurs, des historiens, un linguiste, un économiste et d’autres spécialistes dans divers domaines pour échanger dans une d’une table ronde intitulée : «Regards sur les 50 ans d’indépendance des Comores : progrès et contraintes». Cette rencontre, tenue dans les locaux du Cndrs le 5 juillet dernier, a permis de faire un diagnostic qui se voulait «approfondi» du parcours des Comores depuis 1975, en s’appuyant sur une approche multidisciplinaire. Cinq intervenants ont partagé leurs analyses, chacun apportant un éclairage spécifique sur un pan de l’histoire comorienne postindépendance. Un exercice plutôt bien mené et qui a amené le public à en redemander en appelant à l’organisation d’une autre table-ronde «avec plus de temps d’intervention».
«Trop grande dépendance»
L’expert en politiques publiques et développement durable, Dr Abdou Katibou, s’est penché sur l’»évolution» économique du pays. Tout en reconnaissant des avancées notables, il a mis en exergue les défis persistants tels que la dépendance à l’aide extérieure, la faiblesse du tissu productif national et le chômage des jeunes et plaidé pour des «réformes structurelles» qui irait dans le sens d’une valorisation des ressources locales pour un développement durable. Dans son axe de réflexion «Croissance économique, défis structurels et opportunités», il a soutenu qu’en cinquante ans d’indépendance, l’économie comorienne était toujours informelle, qu’elle souffrait d’une «trop grande dépendance» aux exportations et que, cette situation fragilisait encore plus ce secteur non structuré avec une balance commercial déficitaire.
«Au lendemain de l’indépendance, les Comores exportaient des produits agricoles vers ses voisins et aujourd’hui c’est plutôt l’inverse. Par ailleurs, l’apport de la diaspora se monterait, actuellement, à, «environ 120 milliards de francs comoriens». Il faut investir dans les infrastructures et l’agriculture pour notamment faire face au chômage qui est à 35% et la pauvreté, à 44%. L’économiste a, toutefois, noté qu’il y a des avancées «remarquables» au niveau de l’éducation. Pour sa part, l’ambassadeur des Comores auprès de l’Unesco, Dr Mohamed Soiyir Bajrafil, a ouvert les échanges sur le «rôle fondamental des langues dans la construction identitaire des Comoriens».
Il a insisté sur le «riche multilinguisme» comorien, fait, notamment, du swahili et de l’arabe. «Bien que nous ayons quatre dialectes suivant les îles, nous nous comprenons sans avoir besoin d’interprète». Selon lui, il ne serait pas question de «chercher à savoir quels caractères utilisés entre l’arabe et le latin mais de garder cette richesse qui nous rend encore plus riche», a-t-il conclu.
«Sauvegarder un patrimoine menacé»
A son tour, l’enseignant-chercheur, Abdallah Mbaé, a attiré l’attention sur l’importance des pratiques culturelles et rituelles dans la cohésion sociale et réitéré l’«urgence» qu’il y aurait à «sauvegarder un patrimoine matériel et immatériel menacé à long terme» par, à la fois, ce qu’il a appelé la «modernisation» et ainsi que par le «manque de politiques de préservation». «Le Anda na Mila, a subi des changements importants sous la colonisation. Un patrimoine culturel et rituel qui avait une place notable dans l’évolution de la société avant que le mkolo ne le détruise. Le patrimoine immatériel a été complètement transformé durant ces cinquante dernières années». Selon lui, le pays doit réagir car «Ufukara kaupuwa mila» et que même dans les difficultés les plus extrêmes, «on se doit de respecter les traditions et la Culture du pays».
Enfin, le professeur Moussa Saïd, a retracé avec précision les grandes étapes de la lutte pour l’indépendance, les périodes de transitions politiques, les mutations institutionnelles. Son intervention a permis de replacer les événements dans une perspective historique structurée, en interrogeant les avancées mais aussi les blocages du système politique comorien.
«Entre mémoire et avenir»
«J’ai beaucoup apprécié cette table ronde d’une importance capitale. Ce genre d’évènement devrait être organisé plus régulièrement. Ces échanges ont permis de voir les blocages et les avancées dans ce pays qui a encore du mal à s’ouvrir au développement alors qu’il en a les moyens. J’espère que les recommandations faites vont être prises en compte au sommet de l’Etat dans la mesure où les conférenciers ont livré des réflexions très pertinentes. Vivement une autre table ronde avec plus de temps d’intervention!», a souhaité Kassim Ahmed Ali. La table ronde a suscité des échanges nourris avec le public, composé d’étudiants, de chercheurs, de membres de la société civile et de représentants d’institutions. Tous ont salué la richesse des interventions et l’initiative du Cndrs qui, en cette période symbolique, contribue à «nourrir la mémoire collective tout en ouvrant des pistes de réflexion pour les années à venir».