Il y a trois ans jour pour jour, l’un des écrivains comoriens les plus prolifiques, Salim Hatubou, quittait ce monde à 43 ans, un mardi de 31 mars 2015. Des funérailles officielles, en présence du chef de l’Etat de l’époque, Ikililou Dhoinine, avaient été organisées à Hahaya, son village d’origine, au centre de Ngazidja. Plusieurs cérémonies en son hommage ont été organisées, aux Comores et à Marseille, où l’écrivain vivait avec sa famille depuis 1982. En sa mémoire, plusieurs promesses avaient été faites. Cependant, en dehors de la bibliothèque du Centre de création artistique et culturelle (Ccac-Mavuna) qui porte le nom de "Espace Salim Hatubou", rien d’autre n’a été fait à ce jour. Même pas du côté du ministère de la Culture.
L’on a juste vu des réactions sur les réseaux sociaux, notamment de son ami le manager Europe de l’équipe nationale de football, les Cœlacanthes. "Frère mien, il y a trois ans, ton cœur s'est arrêté de battre, mais ton œuvre à jamais continuera de vivre. Que Dieu t'accorde le repos", a écrit Ben Amir Saadi. Pour sa part, Aminat Boina a dit remercier, pour la mémoire de ce "frère", celui qui lui a insufflé le courage de porter les éditions "Le Cœlacanthe". "Deux mois avant son décès, il me recommandait, en effet, de tout faire pour pérenniser la célébration de l’anniversaire de la Maison". "Ce conseil reste, depuis ce jour, une source de motivation".
Ces projets qui "dorment"
Et Tsindami Sadani de mentionner "cet instant d'un jour triste où l'ami, en silence, me tourne le dos /Intime douleur à jamais qui nous lie / Et demain qui reste une question éternelle..."
Pour son "meilleur ami", trois ans après la tragique disparition, Tahamida Mbae Soly tient à exprimer son "désarroi" : "Que puis-je dire d’autre si ce n'est qu'il me manque cruellement. Tous nos projets et nos rêves en commun dorment dans des disques durs et des cartons", regrette-t-il avant de poursuivre : "Sa mémoire est vivante pour nous, mais j'aurais aimé que les Comores s'en saisissent pleinement car il était l'ambassadeur de la culture comorienne, que ses œuvres soient enseignés à l’école", suggère celui qui se dit attristé de constater que les bibliothèques comoriennes ne possèdent pas du tout ou très peu de ses livres.
Le directeur du Centre de création artistique et culturelle (Ccac-Mavuna) a, à son tour, indiqué que Salim était "un grand, un ami, un frère, un sauveur, un artiste". Et Soumette Ahmed de révéler que le plus grand rêve de l’écrivain disparu était de construire un théâtre pour enfants.
A l’en croire, Salim Hatubou a beaucoup apporté à ce centre. "Nous avions discuté, il a vu le terrain et nous nous étions mis d’accord qu’il allait construire un théâtre dédié à l’enfance au sein du centre", se rappelle le comédien qui a mis en place plusieurs spectacles en l’honneur du défunt sur la base de son œuvre "Daba, l’enfant qui n’aimait pas l’école". Mais ce n’est pas tout : sa prochaine création s’inspirera de "Marâtre", un des premiers romans du grand maître.
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"Il ne viendra hélas plus jamais
Porté par la brume matinale
Nous offrir autour d’une tasse de café
Toute la beauté d’un monde idéal
Nos cœurs remplis de son sourire enjôleur
Nos âmes embellies de la magie du conteur
Griot à nul autre pareil
Qui savait dompter les mots
Pour nous emmener en bateau
Vers son pays des merveilles
Charmeur du verbe entre la fable et le réel
Blagueur en herbe infatigable devant l’Eternel
Demain sonnera le glas
De nos communes rêveries
De nos rires aux éclats
Ainsi que de nos folles utopies
Du plaisir de lire sur ses lèvres
Et dans ses yeux comme dans un livre
Son immense envie, sa fièvre
Son appétit et sa soif de vivre
Mais demain reviendra encore
Nous prendre par la main
Pour chanter nos refrains
Et nos doux rêves des Comores
Découvrir le patrimoine immatériel
Enfoui dans son petit bout d’archipel
Dont il se faisait l’honneur et le devoir
D’être le fervent gardien de la mémoire
De Marseille à Moroni
Du Panier à Milepvani
Nous rirons, grands et petits
Des facéties de M’na Madi
Nous dirons jusqu’à tant pis
Jusqu’à la fin de nos vies
Ngazidja, Ndzuani, Maore, Mwali
Massiwa mane*, un seul pays
Oui demain repartira
Sur le chemin des souvenirs
Cueillir toutes ces fois
Où l’on avait foi en l’avenir
Demain aura les beaux yeux
Et les fossettes d’Aniya Riama
Pour lui conter si Dieu veut
L’amour et la gloire de son papa"
À Aniya Riama et ses frères
Mbaé Tahamida Soly, 31 mars 2018