Le Concours national que vous avez initié met en avant les danses traditionnelles comoriennes. Selon vous, en quoi ces danses constituent-elles un patrimoine essentiel pour le pays?
Nous savons, tous, que le fondement d’un pays réside dans son identité culturelle. Celle des Comores se transmet, principalement, par voie orale à travers, entre autres, les danses traditionnelles, toujours accompagnées de chants. Ces danses prennent racine dans nos valeurs ancestrales et demeurent un patrimoine qu’il nous faut protéger.
La danse trimba au Nyumakele, par exemple, est interprétée durant la période des récoltes, le shigoma sha laanswri accompagne les moments de réjouissance, tandis que le Igwadu symbolise la résistance. Toutes ces danses incarnent parfaitement la richesse de notre patrimoine immatériel.
Le public, tout comme les autorités, étaient présents, notamment le chef de l’Etat. Comment interprétez-vous cet engouement?
Ce n’est pas le fruit du hasard. Nous avons tenu de nombreuses réunions en amont, notamment avec les opérateurs culturels et les responsables d’associations. En outre, tout le monde est conscient que nos danses ont tendance à disparaitre et, avec elles, nos traditions et notre Culture. Avec la mondialisation, certaines activités culturelles sont mises de côté. On comprend qu’un tel événement qui cherche à redonner vie à ces danses puisse créer un grand engouement. La présence des autorités, en particulier celle du chef de l’Etat, donne encore plus d’espoir à celles et ceux qui pratiques ces danses. C’est un signe encourageant vers une véritable politique culturelle.
Nous avons, d’ailleurs, un exemple concret avec la démarche d’inscription des médinas des Sultanats historiques des Comores au patrimoine mondial de l’Unesco. Lors de son discours d’ouverture du concours, le président de la République a annoncé le lancement d’une campagne nationale d’inscription des patrimoines immatériels à l’Unesco, c’est, à mon sens, un signal fort.
Organiser un concours d’une telle ampleur nécessite des moyens importants. Quels ont été les défis financiers auxquels vous avez dû faire face et comment êtes-vous parvenu à mobiliser les ressources nécessaires?
Ce concours figurait depuis longtemps parmi les projets phares de Kam’Art. Notre objectif est la sauvegarde du patrimoine comorien, le patrimoine immatériel particulièrement. Nous avons mis à profit la célébration du Cinquantenaire de l’indépendance pour approcher le gouvernement et voir comment concrétiser ce projet. Le Secrétaire général du gouvernement a trouvé pertinent de l’intégrer dans le programme officiel, car il s’inscrivait parfaitement dans cette célébration de notre identité nationale.
On sait que les financements en faveur de la Culture restent très limités aux Comores. Selon vous, quelle place devrait occuper la Culture, et notamment les danses traditionnelles, dans les politiques publiques?
Il est temps que, chez-nous, la Culture acquiert ses lettres de noblesse. Comme dans plusieurs pays africains où le développement culturel commence à prendre forme, la société civile comorienne doit d’abord apporter sa contribution avant de compter sur l’appui des pouvoirs publics. Aujourd’hui, de nombreux fonds internationaux sont consacrés à la culture, indépendamment des Etats. Nous, acteurs culturels, devons unir nos forces, nous structurer en associations ou en fédérations pour définir une vision commune des arts et de la culture comorienne à défendre, ensuite, devant les autorités. Plusieurs tentatives de regroupement d’artistes ont déjà eu lieu, sans succès, ce qui aurait pourtant été une véritable aubaine pour le secteur.
Beaucoup de danses comoriennes sont en train de disparaître faute de transmission entre générations. Pensez-vous que ce concours, seul, puisse leur redonner vie et du sens?
Au-delà du concours, nous menons un travail de sensibilisation et d’accompagnement auprès des associations sur comment monter des dossiers culturels, où trouver des financements, etc. D’une île à l’autre, nous organisons des rencontres et des sortes de master class avec les associations culturelles afin d’échanger et d’identifier les blocages. Notre ambition est de créer une dynamique durable autour de la transmission et de la préservation de ces danses.
Pensez-vous que cet appui symbolique du gouvernement se traduira par un soutien concret et durable pour de futures initiatives, ou est-ce simplement lié à la célébration du Cinquantenaire?
J’espère, de tout cœur, que c’est un signe fort en faveur d’un soutien pérenne, non seulement à Kam’Art, mais aussi à l’ensemble du secteur artistique et culturel du pays, comme c’est le cas, actuellement, avec l’engagement du gouvernement, et notamment du chef de l’Etat, en faveur de l’inscription des médinas à l’Unesco. J’espère que cet élan se poursuivra et se traduira par un véritable développement des arts aux Comores.
En dehors du concours, quelles sont les ambitions de Kam’Art Culture?
Au-delà de ce concours, Kam’Art Culture poursuit plusieurs initiatives notamment le festival «Bangwe de l’Oralité», dont la cinquième édition se tiendra en 2026, le programme «Slam à l’école» désormais à sa deuxième édition, ou encore notre magazine Kam Mag. Nous avons également un partenariat solide avec Impérial, un des plus grands réseaux culturels panafricains. Nos projets visent à s’étendre au-delà du territoire national, avec comme ambition de placer les Comores sur la carte culturelle du continent.