La localité de Shuwani au centre de Ngazidja a été, autrefois, un vivier d’associations artistiques et culturelles actives avec les danses traditionnelles, le twarabu, le slam ou encore le théâtre. Aujourd’hui cette richesse qui peuplait les médiathèques ou encore les différents bangwe de la cité, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Comment faire revivre cette intense activité qui, pendant longtemps, avait bercé plus d’un? C’est la question que se posent les acteurs culturels de la ville.
Après des reformes du Anda (mariage traditionnel) à Shuwani, avec, particulièrement, le concert de twarabu qui a été rendu facultatif, cette musique y a perdu de sa superbe. Plus personne ne s’y adonne «pour des raisons économiques». En effet, entre dépenser plus d’un million pour organiser un concert de twarabu ou s’en passer, «le choix est vite fait pour les mariés», entend-on argumenter ici et là.
Culture, twarabu et développement
Il faut rappeler que le twarabu fait partie des genres musicaux les plus prisés aux Comores. Il était chanté en arabe et en swahili avant de prendre des couleurs purement comoriennes : «En 1950, tous les concerts se faisaient en swahili ou en arabe. En 1962 quand je chantais pour la première fois en shiNgazidja, les gens venaient des quatre coins de l’île pour voir ça de leurs yeux. Pour eux, c’était une surprise d’entendre du twarabu chanté en comorien», aimait à relater un des meilleurs auteurs compositeurs du genre, feu Mohamed Hassan.
Le groupe «Negro style» de Shuwani ne se produit plus. Ses anciens musiciens continuent, chacun dans son coin, à prester lors de concert de twarabu dans d’autres localités de l’île. «Avant, il était obligatoire d’organiser une nuit de twarabu lors des célébrations du anda. Ici, à Shuwani, depuis 2011, cela est devenu facultatif. Le samedi, le jour par excellence où se tenait le twarabu, on trouve désormais un madjilisi. Cela tue une partie de notre culture. Il est important de faire revivre cela. Ce genre de musique qui fait partie intégrante du Comorien est à préserver», se plaint le claviste du groupe, Negro style, Dailamy Hamidou.
Selon lui, la disparition des associations culturelles de Shuwani serait, en partie, la conséquence de la «mort» de l’Association pour le progrès de Shuwani (Apc) dont l’activité s’étendait aux sports, à la Culture et à l’éducation. «L’Apc et sa section musicale avaient contribué fortement au développent social de notre ville. Grâce à l’argent collecté à l’occasion de concerts de twarabu et à la grande mobilisation autour de diverses activités culturelles, nous avons construit un centre socioculturel et financé une partie des travaux du stade de football, entre autres. Il est temps d’engager la discussion avec la hiérarchie traditionnelle de la ville pour voir comment faire revivre le twarabu à travers le anda», soutient-il.
«Un élément central de notre patrimoine»
Auparavant, tout comme pour le twarabu, chaque localité de Ngazidja disposait de sa troupe de danses traditionnelles. Aujourd’hui, celle de Shuwani a disparu dans le sillage, notamment, de la disparition des concours de danse traditionnelle. Même chose pour le groupe slam qui, pourtant, avait permis à beaucoup de jeunes d’élever leur niveau du shiKomori et du français à l’écrit comme à l’oral.«Il est regrettable de voir qu’aujourd’hui, les gens ne s’intéressent plus aux danses traditionnelles qui pourtant, représentent un élément central de notre patrimoine. En ce qui me concerne, j’ai commencé à danser depuis tout petit. Aujourd’hui, je continue de le faire malgré mon âge avancé. Nous sommes en train de réfléchir sur comment redynamiser ces pratiques», veut croire, pour sa part, le chorégraphe de la compagnie Wenyi ulanga, Amir Tadjidine.
«La culture, c’est l’affaire de tous!»
Pour le responsable du groupe de slam, l’échec de son association «qui au départ s’occupait de Culture et d’éducation» serait dû à différents facteurs notamment à un conflit en son sein qui a conduit à scinder l’association en deux. «Il faut comprendre que seule l’union fait la force. Aujourd’hui, les deux associations font, chacune, bande à part et fonctionne à minima. Il est temps de réfléchir sur comment reprendre de la hauteur. Les parents doivent nous accompagner dans cette démarche car certains avaient défendu à leurs enfants de venir dans les répétitions de slam sous prétexte que cela leur prenait trop de temps et avait un impact négatif sur leurs études», devait appeler, enfin, Mohamed Abdou Tadjir.
Une chose est sûre. Dans cette ville où, depuis trop longtemps on a laissé cette situation perdurer, il semble, désormais, qu’une prise de conscience sur la nécessité d’une «renaissance» est en train de voir le jour.
Dans l’espoir que….