Le président de la République, Azali Assoumani, a promulgué, mardi, deux lois visant à assurer la protection et le développement de la Culture. Il s’agit de la loi N° 20-003/Au, portant protection du patrimoine national culturel et national et la N° 20-028, ratifiant la convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels. Désormais, les acteurs culturels chargés du développement et de la protection de la Culture disposent de cet arsenal juridique qu’ils ont tant attendu.
“Nous avons lancé un défi et nous sommes parvenus à le relever. Ces promulgations constituent une avancée car nous disposons d’une richesse naturelle et culturelle très variée mais qui, malheureusement, n’avait pas été suffisamment protégés par la loi parce qu’il manquait les textes règlementaires appropriés permettant aux détenteurs de ces richesses de mieux les protéger”, a commenté le directeur du Centre national de documentation et de recherches scientifiques (Cndrs), Toiwilou Mze Hamadi.
Une “loi de plus?”
Malgré ces promulgations, qui peuvent dorénavant contribuer à la sauvegarde et au développent du patrimoine culturelle, certains estiment, cependant, que ce ne sont pas les lois qui manquent mais c’est la mise en application qui fait défaut. “Nous sommes le pays de la promulgation des lois qui ne sont presque jamais appliquées. C’est une bonne chose de doter les acteurs culturels d’un arsenal juridique pour mieux se défendre. Mais nous savons qu’il existe, déjà, la loi de 1994 qui procurent suffisamment de marge de manœuvre mais qu’elle n’est jamais été appliquée”, analyse Said Salim étudiant à l’Université des Comores. A ce propos, Toiwilou Mze Hamadi a “tenu à préciser” que cette loi ne donnait pas aux acteurs des arts de la Culture suffisamment de moyens pour défendre la Culture : “La loi de 1994 a été rédigée et promulguée trop hâtivement, il s’agissait alors de parer à l’urgence de l’époque. Les informations et les données de cette loi ne correspondaient pas aux réalités patrimoniales du pays. Elle n’avait pas tenu compte du patrimoine immatériel et subaquatique, deux biens incontestables qui ne peuvent pas ne pas être pris en compte”.
Opérations volontaristes
Le 28 novembre 2017 à Ouagadougou au Burkina Faso, le président français, Emmanuel Macron avait déclaré qu’il voulait “qu’en cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique”. Malgré que la France ait reconnu le pillage et la détention d’œuvres culturelles africaines, les Comores n’ont rien fait pour que cet engagement français se concrétise par rapport à leurs propres biens culturels. A la directrice générale des Arts et de la culture on disait attendre la promulgation des deux lois, notamment, pour agir. Aujourd’hui c’est chose faite. Il faut donc espérer les autorités comoriennes vont, enfin, mettre en place une véritable politique pour déterminer et faire revenir dans les musées comoriennes les œuvres en question.
Pour se faire, les responsables du Cndrs, entre autres, estiment qu’il faut engager “deux actions parallèles” : Il faut tout d’abord empêcher que le peu qui reste continue à être pillé, puis, mettre en place un comité scientifique pour réfléchir sur une stratégie et une politique de restitution de nos biens pillés par les colons. “Il est regrettable de voir qu’aujourd’hui, il faut aller au musée du Louvre à Paris, entre autres, pour découvrir la culture comorienne. Il est de notoriété publique, en effet, qu’en France et dans bien d’autres pays, il existe des biens, un héritage culturel des Comores qui n’existent plus aujourd’hui dans le pays”, se désole le patron du Cndrs.
Par rapport à ces inquiétudes sur le pillage des biens culturels, la nouvelle loi n’est pas restée muette. Dans son chapitre III, elle définit comment “commercer, importer et exporter” des biens culturels pendant que son titre V prévoit des dispositions pénales en ces termes : “Quiconque aura exporté ou tenté d’exporter un objet classé, proposé pour classement ou inscrit sera puni d’un emprisonnement de six à deux ans et d’une amende de 1 million à 6 millions de francs comoriens ou de l’une de ses deux peines. L’objet incriminé fera également l’objet d’une confiscation ou saisie”.
Il faut donc espérer qu’à propos de lois conjuguées avec une réelle volonté d’agir, cette fois-ci sera, enfin, la bonne.
Mahdawi Ben Ali