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Dzihiro de Moumtaz I Quand la musique devient remède

Dzihiro de Moumtaz I Quand la musique devient remède

Culture | -   Mahdawi Ben Ali

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Six titres qui célèbrent l’amour, la guérison intérieure, et la richesse d’une poésie chantée puisée dans la littérature orale comorienne

 

Après un long silence, Moumtaz revient avec Dzihiro, un Ep riche des six titres que sont Manga, Djirani, Mwangaza, Mwezi, Mahaba, Mawwa (dans l’ordre : «pays étrangers», «le voisin», «la clarté», «la lune», «l’amour», «fleurs»). Des morceaux qui se vivent comme une thérapie. Entre sensualité, célébration de l’amour et hommage à la littérature orale comorienne, l’artiste transforme l’absence en force et la musique en remède.Il y a des retours qui font du bruit, et d’autres qui murmurent l’âme. Celui de Moumtaz appartient à la seconde catégorie. Avec Dzihiro, l’artiste ne revient pas pour reconquérir la scène, uniquement, mais pour réhabiter l’émotion. Sa voix, toujours aussi suave, glisse sur les mélodies comme une caresse, invitant l’auditeur à une plongée intérieure, là où la musique devient soin.Dzihiro n’est pas un projet pressé. Il porte la lenteur du temps, celle de la maturation et de la reconstruction. Moumtaz n’a jamais été un artiste omniprésent, il apparaît, disparaît avant de revenir chargé de sens.C’est ce que traduit, précisément, cet Ep. Un cheminement personnel, une traversée du silence pour mieux retrouver la lumière.Ici, la musique agit comme une thérapie, une manière de guérir ce qui était malade pour pouvoir, enfin, voler plus haut encore.

Guérir c’est, parfois, s’abandonner

Avec le titre Mahaba, la parole se fait plus chaude, plus pressante, portée par la musique du magicien Solam, lente, enveloppante, presque nocturne. L’amour n’y est plus en hypothèse, il devient besoin. C’est une supplique sensuelle, un appel lancé à la muse dont la présence manque autant que l’air. La voix de Moumtaz s’y fait caresse et vertige, traduisant un amour qui déborde, qui enivre, qui fait perdre l’équilibre. Mahaba parle de cette dépendance douce auquel on accepte de se livrer, entièrement, même au risque de se perdre. Car parfois, guérir, c’est accepter de s’abandonner.Au centre de ce projet, un choix artistique fort : la langue comorienne. Un acte de fidélité culturelle assumée par le parolier de l’Ep, Ibn Zainoudine Youssouf alias Bouzid. «L’objectif n’est pas d’aider certains à croire en l’amour, mais de promouvoir cette littérature orale chantée riche et profondément poétique. Ecrire uniquement en shiKomori, c’est montrer sa beauté. C’est aussi célébrer l’amour à la comorienne, à travers la voix et la sensibilité de l’artiste. Ce projet est avant tout destiné au public, pour le remercier de sa patience durant toutes ces années d’absence», a-t-il confié.

Rien n’est décoratif, car tout est mémoire

Cette patience, Moumtaz la reçoit comme une offrande dans «Mawwa», véritable pièce maîtresse de l’Ep et titre le plus cher à l’artiste. Du coût, la musique se fait plus accueillante, presque cérémonielle. La mélodie, chaleureuse et lumineuse, épouse les codes de la sensibilité comorienne pour célébrer l’amour non pas comme un simple sentiment, mais comme un engagement, un lien sacré inscrit dans le temps et défini par la communauté. C’est que Mawwa est une chanson qui rassemble. Elle convoque les gestes ancestraux, les silences habités, les regards qui se croisent avant de s’unir. Le morceau avance avec la douceur d’une bénédiction, rappelant que l’amour, aux Comores, ne se vit jamais seul, il se partage, se transmet et se célèbre collectivement.Le clip prolonge cette intention avec force et délicatesse. Il se présente comme une véritable vitrine du mariage traditionnel comorien. Les habits, riches de symboles et de couleurs, racontent une histoire sans mots. Les rites, minutieux et codifiés, deviennent chorégraphie. Chaque geste est porteur de sens, chaque regard chargé de promesses. Rien n’est strictement et uniquement décoratif, et tout est mémoire.

 

Un choix artistique fort : le shiKomori. Un acte de fidélité culturelle assumée par le parolier de l’Ep. «L’objectif n’est pas d’aider certains à croire en l’amour, mais de promouvoir cette littérature orale chantée riche et profondément poétique.


Dans Mawwa, l’image épouse la musique pour former une poésie visuelle. Une poésie qui archive les traditions, protège les héritages et affirme une fierté culturelle assumée. En célébrant l’amour à la comorienne, Moumtaz célèbre aussi un peuple, une identité et une manière d’aimer où le passé éclaire le présent.
Au total, avec Dzihiro, Moumtaz ne livre pas simplement un Ep. Il propose une expérience sensible, un retour apaisé et une déclaration d’amour à la langue, à la culture et à son public. Une œuvre qui ne cherche pas à convaincre, mais à ressentir. Et dans ce chant comorien, lent et profond, l’artiste semble avoir trouvé non seulement sa voix, mais aussi sa guérison «Si Dzihiro était une phrase d’amour, je dirais : Tsipara turufu yinandzao (j’ai trouvé l’as du cœur qui m’aime)», devait-il résumer.

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