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Développement exponentiel de l’art photographique I Les Comores n’échappent pas à la règle, même si…

Développement exponentiel de l’art photographique I Les Comores n’échappent pas à la règle, même si…

Culture | -   Mahdawi Ben Ali

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Lorsqu’elle est apparue aux Comores au dix-neuvième siècle, la photographie s’était cloitrée aux portraits jusqu’aux années 1980 avant de se diversifier grâce notamment au numérique. Aujourd’hui, amateur et professionnel chacun y va de son flash et permet d’immortaliser l’instant présent, mais aussi de visiter le patrimoine, culturel, historique et touristique du pays. Mais cela ne veut pas dire, pour autant, que dans le monde de la photo comorienne, tout n’est que beauté et lumière.

 

image figée, la première photographie en noir et blanc, et aujourd’hui, avec des images en couleur saisies grâce à un simple clic, la photographie, c’est presque deux siècles d’invention et de perfectionnement. Après avoir en beaucoup de mal à se faire une place à ses débuts, on ne peut pas, aujourd’hui, imaginer un monde sans photographie.


Aux Comores, l’histoire du «troisième art» suit son bonhomme de chemin et ne cesse d’évoluer d’une génération à une autre. Avant que le numérique ne vienne tout révolutionner dans ce domaine, la photographie comorienne était exclusivement braquée sur la photo d’identité, celle qui vient immortaliser l’instant mémorable d’une noce, d’une naissance ou laisser à la prospérité une famille. Cela du début du vingtième siècle à la fin des années 1980.


«La photographie comorienne a évolué avec le temps. Avant, on s’était cloitré dans les photos d’identité et, pour des familles aisées de grandes villes, un peu dans celles de la famille. Désormais, chaque évènement, aussi petit soit-il, a sa photo. Les murs des maisons sont ornés de «photos-souvenirs», raconte le photographe, Amiral.

Forte démocratisation et bonne résistance des «pros»

De l’avis des photographes, Mohamed Saïd Hassan alias Padré et Mab El Had, le numérique a changé l’activité photographique en permettant à plusieurs jeunes de s’exprimer dans cet art en amateurs. «Avec un simple smartphone, tout le monde s’improvise photographe. Mais, cependant, l’intérêt pour la photographie professionnelle ne faiblit pas». Qui peut, aujourd’hui, dire qu’il n’a jamais réalisé une prise avec son téléphone portable ou posté une photo sur les réseaux sociaux? «Chaque année, des milliards de poses sont prises partout dans le monde. Avec les réseaux sociaux, quatre-vingt millions sont partagées chaque jour sur Instagram et trois cent cinquante millions sur Facebook. Dans ses statistiques la photographie comorienne apporte sa part, aussi infime soit-elle.


«Les jeunes s’intéressent de plus en plus à la photographie. Aider par le numérique, ils réalisent de belles prises par rapport à notre génération, du moins à nos débuts. Contrairement à eux, nous avons eu des formations en réglage photo et vidéo notamment avec feu Aboubacar Cheick qui a beaucoup aidé à s’épanouir les professionnels que nous sommes devenus. Je trouve qu’avec un centre de formation dans le pays, ces photographes amateurs pourraient véhiculer une belle image des Comores surtout dans le domaine du tourisme», suggère Padré.

Tirer profit d’une nouvelle réalité

La photographie comorienne a également franchi un palier avec la photo publicité qui couvre beaucoup de monde de son viseur. Mannequins, stylistes, commerçants, artistes, agences de communication, se battent pour s’arroger les meilleurs chasseurs d’images pour une bonne visibilité de leurs activités. «Le shooting photo est le meilleur moyen de progresser dans le monde du mannequinat. Financièrement ce n’est pas encore stable mais ça nous permet de se faire de la publicité et montrer ce qu’on vaut. Avec le numérique, le mannequinat et la photographie sont devenus parallèles. La photographie comorienne est aujourd’hui par des jeunes qui commencent à intéresser de plus en plus les entreprises, notamment. Cet art a bien sa place dans le développement du pays, c’est à nous de tirer profit de cette nouvelle réalité», soutient la mannequine, Anicha Ibrahim.

Encore du chemin...

Si tous les genres de photos, sont presque, pratiqués aux Comores, la photo de mariage a plusieurs longueurs d’avance sur les autres genres dans ce pays où le anda («mariage traditionnel») constitue un important pilier de la société. C’est peut-être pour cela que de plus en plus de photographes se réorientent vers ce genre. C’est le cas de Faisoil Abdérémane alias Mec Mortel qui a révolutionné la photo de mariage grâce aux réseaux sociaux, même s’il lui est parfois reproché de «collorisme».Pour l’instant, rare sont les photographes qui peuvent prétendre vivre de leur art. Toutefois, le secteur se professionnalise et laisse entrevoir une lumière. «La photo de mariage paie bien mais elle est périodique. Il est donc difficile de pouvoir vivre avec, uniquement. Ceux qui arrivent à combiner plusieurs genres, arrivent quelque peu à s’en sortir», analyse, pour sa part, Amiral.


«Sans aucun doute, le numérique a révolutionné la photographie comorienne. Il a rendu plus accessible le traitement des photos et a permis à plusieurs jeunes de s’y mettre. Je reviens du Benin où l’activité photographie est mieux structurée qu’ici, chez nous, où l’association des photographes a même du mal à faire ses premiers pas alors qu’elle existe depuis belle lurette. Modali, par exemple, enseigne la photo à l’école française, pourquoi pas dans d’autres établissements?» s’interroge Mab El Had qui s’inquiète qu’aux Comores on ait «tendance à accorder peu d’importance à tout ce qui relève de l’art alors que des métiers comme la photographie pourraient jouer un grand rôle dans le développement du secteur touristique».


De même, alors qu’un grand nombre d’images contribuent à faire revivre le patrimoine historique, et la visibilité des lieux touristiques, cette richesse a encore du mal à être conservée dans de bonnes conditions.En fin, il faut bien le dire, on parle de moins en moins des pilonniers de cet art. Adieu les superbes vieux clichés de Mbaraka Sidi, Choudjaiddine Ben Saïd Ahmed, ou encore Hassan Madjani! Arrivé aux Comores au dix-neuvième siècle, certains le perçoivent encore comme nouveau et ne parlent que de Mab El Had, Padré, Mec Mortel, Amiral, Oustadh Dt, Saïd Mhd et quelques autres.Au total, malgré des progrès certains, le chemin reste encore long pour la photographie comorienne. Sans centre de formation et avec une association des photographes qui a beaucoup de mal à proposer un plan pour son développement, cet art pourrait continuer encore longtemps à se débattre dans l’amateurisme.

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