Pour l’avant dernière jour du Fuka Fest, le club Soihane a organisé une randonnée à Mirontsi dimanche 24 décembre, à la rencontre de lieux chargés d’histoire et aux paysages à couper le souffle. Partir en randonnée à Mirontsi est loin d’être, uniquement, une affaire de promenade au cœur de la nature et sa verdure. Bien d’histoires se cachent et sont, donc, peu connues dans ce pays de culture orale où beaucoup naviguent de bouche à oreille. De Konimwamro à Dani en passant par Ha Bakosera, chaque site est une invitation à s’imprégner de l’histoire de Mirontsi et celle de ses habitants.
Dans la plus part des cas dans le pays, les histoires racontées autour ne sont presque jamais écrites, C’est loin d’être le cas pour le «Mirontsy’s Day». Ici, devant la majorité des lieux visités, les organisateurs lisent des textes tirés, notamment, de l’ouvrage Une autre histoire de Mirontsy coécrit pas vingt-deux jeunes du Club Soirhane.
«Un vide dans l’histoire des gens du peuple»
Ce recueil de dix-huit textes paru aux éditions Bilk&Soul, interroge la mémoire de cette cité de Mirontsi où ces jeunes sont nés et ont grandi.«Les Comores font toujours face au problème du déni de mémoire. Les gens se montrent réservés chaque fois qu’il faille parler de leur histoire. Durant des années cet espace est couvert de tombeaux dont nul ne sait d’où viennent ceux qui y sont enterrés. Certains parlent d’esclaves de champs venus, entre autre, du Mozambique. Il y a des vides dans l’histoire des gens du peuple. Il n’y a que ce qui est en rapport avec les sultanats qui est raconté ou écrit alors que nous sommes conscients qu’un peuple sans histoire est un peuple sans âme», martèle Dr Anssuffouddine Mohamed.
Après la visite de Konimwamro où la mer et la rivière se rencontrent, direction le site Mdo Matra où, il n’y a pas aussi longtemps que ça, s’est déroulé un épisode bouleversant de l’histoire des habitants de Mirontsi. Ici encore, Dr Anssoufouddine Mohamed et les membres du Club Soirhane ont un texte bien approprié.
Une occasion de reprendre du souffle et des forces avant de partir à la découverte des collines de Dani. Il fallait parcourir des kilomètres pour accéder à ce lieu plutôt magnifique et chargé d’histoire et bien plus encore. Ce lieu sacré servant de Ziara aux habitants de Mirontsi a, longtemps, servi de cachette au moment des razzias des années 1970.
«Puisque nous sommes à Dani, il faut que je rappelle que nous avons tourné le dos à certaines valeurs fondamentales, à notre identité, notre histoire, notre façon de voir le monde et notre façon de vivre. Ce que nous pouvons faire pour l’heure, c’est d’en parler. Les jeunes, vous êtes la mémoire d’aujourd’hui et de demain. Vous êtes les dépositaires, les porteurs de cette partie de notre histoire commune», a insisté le poète, Saindoune Ben Ali.
«Assumer notre intégrité identitaire»
Dani, ce n’est pas seulement cette rivière, l’eau sulfureuse, ses collines et falaises. C’est aussi un endroit où vivraient ces esprits invisibles qui ont toujours eu leur place dans la société comorienne. Un sujet aujourd’hui devenu tabou sur la pression de certains qui veulent obliger le Comorien à bannir cette partie de son histoire et oubliant que, comme averti l’adage, «celui qui ne connait pas son histoire est condamné à la revivre». Une chose que le Club Soirhane veut «à tout prix» éviter grâce notamment à ces randonnées instructives à la découverte de l’histoire du pays.
«Pour les Djawula, qui semblent décidés à tout balayer sur leur passage, parler de Dani c’est une profanation. Ils oublient que Dani a existé avant l’arrivée de toute croyance religieuse extérieure. Nous sommes devenus musulmans et nous avons une certaine difficulté à prendre en compte ce qui est venu avant l’islam. Nous, nous n’avons pas à tout rejeter, mais à gérer l’ensemble. C’est cet ensemble-là qui fait ce que nous sommes devenus. Il ne faut pas amputer une partie de notre histoire. Il nous faut assumer notre intégrité identitaire, faute de quoi nous aurons toujours du mal à nous assumer», soutient l’auteur de Malmémoires.
En plus des questions historiques, Dr Anssoufouddine a plongé les randonneurs – des enfants de la localité de Shandra et de Mirontsi en majorité, dans l’autre facette des collines de Dani que sont les «Roches blanches». Une découverte qui prouverait, contrairement à ce qu’on a trop souvent enseigné aux Comoriens, l’archipel des Comores n’est pas formé que de roches volcaniques mais, également, de matières organiques d’où la présence de ces roches blanches qu’on trouve aux câlines de Dani et ailleurs encore. «Nous sommes venus ici pas mal de fois et à chaque fois on y découvre d’autres histoires et de nouvelles choses. Aujourd’hui nous avons découvert que l’eau sulfureuse a changé d’endroit», s’est laissée convaincre la secrétaire générale du Club Soirhane, Asma Abdallah Houmadi.