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Hip-hop. 2022, l’âge d’or du rap comorien?

Hip-hop. 2022, l’âge d’or du rap comorien?

Culture | -   Housni Hassani

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Prolifération d’albums, enchainement de concerts, compilations, une qualité intrinsèque de la production qui talonne l’excellence. Le rap comorien ne s’est jamais aussi bien porté depuis le passage de la Covid-19. A l’image du secteur culturel, qui ne doit sa survie qu’à des investissements privés, le rap comorien est en pleine convalescence dans un pays où le concert demeure le principal, sinon le seul fonds de commerce des artistes.

 

Au milieu des années 1990, le rap est à son apogée au niveau mondial. 1996, l’Américain, Tupac, publie le légendaire All eyez on me, considéré aujourd’hui encore, comme l’un des meilleurs albums du rap us. L’année d’après, en France, le groupe Iam publie ce qui deviendra le meilleur album de l’histoire du rap hexagonal, L’école du micro d’argent. En cette période-là, aux Comores, cette musique est encore balbutiante, tous les projecteurs étant braqués sur le twarabu qui vit alors une de ses périodes fastes.


C’est alors que des jeunes passionnés de musique décident de faire de cet art né dans les ghettos américains dans les années 1970, leur «moyen d’expression». On parle évidemment des Pirates du mic, le premier groupe du rappeur Cheikh mc. Depuis, le rap comorien a, semble-t-il, acquis ses lettres de noblesse. Des Pirates du mic à Kz puissance sud en passant par Criminal team et Black Saian, de Watwaniya session à Maboina record volume 1 en passant par le Coffre et Vsbeat, des scènes de l’Alliance française de Moroni(Afm), d’Alcamar à la plage d’Itsandra et au Stade de Moroni, le rap comorien s’est, avec le temps, affranchi de la chape de plomb qui pesait sur lui que sont ces clichés qui voulaient le réduire au genre par excellence faisant l’apologie de la violence.


Mais depuis l’avènement de la Covid-19, cet élan d’émancipation a nettement été freiné. Pendant deux ans, les salles de concert ont sonné creux. Les disques se faisaient rares en ce sens que les concerts demeurent le principal, sinon le seul fonds de commerce des artistes locaux.

Nouvelle ère

Dans plusieurs interviews, le patron du label Watwaniya, Cheikh mc, a réaffirmé le souhait de pouvoir se «dire que le pire est passé» et que la Culture allait s’offrir, en cette année 2022, une «bouffée d’oxygène». Sans l’aide, bien évidemment, des acteurs cultures – ministère de la culture et sa direction – toujours aux abonnés absents. Le rap n’a jamais été aussi prolifique. Les rappeurs ont, comme on dit dans le jargon, «charbonné».

Ancienne ou nouvelle génération, les disques pleuvent et ça n’est pas pour déplaire les auditeurs. Rien qu’en Juillet, les amateurs de rap ont eu droit au retour de Cheikh mc avec son cinquième projet, Idukio, de Chucky qui est revenu avec Mista Chucky(Mc) ou encore, Azam qui a dévoilé «l’excellent» Anza Shipaza. Avant ce mois de juillet décidément très solaire, le public avait également eu droit au tout premier album studio de Kz puissance sud, Bandit kana hasara, le groupe qui s’est révélé en 2016 avec le morceau Ripara zana, devenu viral depuis. Le jeune Mossmo Cotchino a également éclaboussé le rap comorien de son talent, en proposant son album Music is a language(Mial).

Nouveaux labels,compilation, concerts…

Ces derniers années, voir deux artistes se rassembler pour un album commun était devenu chose peu commune. Cette année, le rap comorien renoue avec cette pratique avec les duos Lil Simba Don D sur le projet Djimbo, et le duo très prometteur de Is’sm Bilal et Canardo qui a accouché du projet Masimu na Mtsala. Mais ce que le public pourrait, surtout, retenir de cette année, c’est la compilation de Maboina record. Créée en 2020, ce Label qui «dispose d’un partenariat avec Universales music sous licence United Master» qui assure la distribution des sons des artistes sur toutes les plateformes de téléchargement. Cette année, le label a décidé de sortir une compilation de tous ses artistes, un patchwork de hit, de bangers, de tube ou encore de sensualités.


«En sortant ce projet, nous voulions montrer au public que nous sommes présents sur la scène comorienne. Nous espèrons qu’il sera le premier d’une longue série», avance, dans un premier temps, le patron du label, le rappeur Captain Djez. Fédérateur, l’album est un mélange parfait entre ancienne et nouvelle génération. Une manière de se tirer mutuellement vers le haut. «Nos artistes sont bourrés de talents certains comme Leskama, Bilwiz ou encore Mossmo Cotchino. Nous avons jugé judicieux de profiter de leur lumière pour faire briller ceux qui sont dans l’ombre et méconnus du public», assure l’ancien de Creazy team.

Une question de diffusion

Toutefois, plus de vingt-cinq ans après l’apparition de cette musique, l’on ne peut toujours pas parler d’industrie du disque aux Comores, malgré la prolifération de disques. En ce sens que le chemin menant à la monétisation des disques est, on ne peut plus, sinueux. Cela expliquerait la ruée d’artistes vers la plateforme Audiomack dans laquelle, la quasi-totalité des artistes locaux publient leur production pour espérer avoir le maximum de visibilité. C’est le cas du rappeur Ast. Pour lui, mettre ses sons sur Audiomack, «permet à tout le monde d’écouter le projet. Et puis, ça n’empêche pas les setreameurs de streamer les autres plateformes.

Si l’album est écouté par tout le monde, ça ouvre plus de chances pour qu’il marche et que les concerts qui suivent soient remplis», explique l’auteur de Raison et folie sur son mur Facebook.Ce qui est sûr, c’est que la prolifération des concerts (Cheikh mc, Asam, Titi et Bilwiz), montrent bien que le rap est revenu sur le devant de la scène, «synonyme de retour à la vie normale, donc le moment de rattraper le temps perdu même si la situation reste délicate», devait conclure Captain Djez qui annonce que son label prépare une tournée à Ngazidja.

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