Le Collectif du patrimoine des Comores s’est engagé depuis sa création à promouvoir le patrimoine historique matériel de l’archipel. L’enjeu actuel étant l’inscription des médinas des Sultanats des Comores à l’Unesco, quelles difficultés avez-vous eu à surmonter?
Le Cpc créé en juin 2006 s’est fixé comme objectif principal, l’inscription des sites de nos îles au patrimoine mondial de l’Unesco. Bien qu’il s’agit d’une organisation de la société civile, elle réunit des bénévoles spécialisés dans son domaine de prédilection, à savoir des architectes, des anthropologues, des historiens.
Son engagement a été déterminant dans le processus d’élaboration du dossier de candidature des Sultanats des Comores en vue d’une inscription au patrimoine mondial. Pendant près de vingt ans, l’association a travaillé sans accompagnement de la part de l’autorité publique. Cette absence d’appui financier notamment dans la restauration d’un monument aussi essentiel que le palais royal Ujumbe de Mtsamdu, a beaucoup pénalisé nos activités.
Vous avez néanmoins tenu. D’où puisez-vous cette énergie et quels ont été vos facteurs de motivation?
Nous devons cette énergie d’abord à la conviction des membres du Collectif. Je dirai que la valorisation de notre patrimoine commun est existentielle. Nous parlons là de notre héritage et de notre mémoire collectif qui sont parmi les éléments constitutifs de l’histoire et de l’identité du Comorien.
Nous avons eu, surtout, la chance de croiser des partenaires techniques qui ont cru à notre mission et qui nous ont apporté leur expertise dans la restauration des monuments qui est un domaine très exigeant scientifiquement et techniquement. C’est d’ailleurs cet atout du Cpc de s’être entouré d’experts de renom, qui a convaincu des bailleurs à apporter leur appui financier.
Le dossier des médinas des Sultanats historiques des Comores se trouve en ce moment au bureau de l’Unesco. Quelles sont selon vous les chances qu’il passe cette dernière étape?
Le dépôt du dossier Sultanats Historiques des Comores par les autorités comoriennes et sa validation par le président Azali Assoumani, lors de sa visite chez la Directrice de l’Unesco, constituent un pas décisif dans le processus de nomination. J’estime que, dans cette phase décisive, la presse doit jouer son rôle d’information et assurer une bonne communication pour valoriser la candidature. Si nous parvenons à activer tous ses leviers et à susciter l’enthousiasme de la population, on peut espérer que nos sites soient inscrits en 2026 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.
Le collectif du patrimoine s’est beaucoup préoccupé de la sauvegarde du palais Ujumbe à Mtsamdu, mais bien d’autres sites sont en ruines. Pourquoi ce choix ?
C’est le résultat d’un concours de circonstances et non d’un choix personnel. C’est à l’issue de l’effondrement du corridor du palais, en 2006, que le monument a été placé sous les projecteurs des bailleurs qui accompagnent financièrement sa restauration. Le Cpc est à la disposition de toutes les associations en cas de besoins comme ce fut le cas avec la ville de Domoni ou de Moroni.
Comment expliquer l’indifférence du Comorien, voire des décideurs à tous les niveaux de l’Etat, par rapport à la protection du patrimoine national?
Je ne pense pas exagérer si j’affirmais que la Culture est le parent pauvre des politiques nationales. Je pense qu’il y a une méconnaissance des acteurs politiques par rapport à la question de l’intégration de potentiel économique et fédérateur du patrimoine dans le développement d’un pays. La nomination, très prochaine de nos sites, va certainement contribuer à une meilleure prise en compte de cette potentialité et apporter un meilleur éclairage sur ce dossier. J’en suis convaincue.
Où en est-on de la restauration du Palais Ujumbe de Mtsamdu?
La restauration de son rez-de-chaussée a bénéficié des fonds de World Monument Funds, de l’Unesco, du ministère de la Culture à Paris, de Gerda Henkel, de la Région Réunion et de l’ambassade de France à Moroni. Nous avons, également, reçu le soutien d’opérateurs économiques de la ville et de sponsors privés.
Mais ces soutiens n’étaient pas à la hauteur de l’ampleur des travaux qui sont à l’arrêt depuis le dernier chantier de 2023. Avec l’actuel projet Unesco financé par les fonds en dépôt de l’Arabie saoudite, nous espérons reprendre les travaux avec l’appui du gouvernement comorien et de Gerda Henkel.
Le secrétaire général du gouvernement, Nour El-Fathou Azali, a profité de la rencontre avec la mission d’expertise du projet Unesco, en vue de la préparation du prochain chantier de restauration de l’Ujumbe, pour visiter ce dernier. En quoi ce geste est-il important pour le Collectif?
Pour une association de la société civile comme la nôtre, recevoir la visite d’autorités de ce niveau, est un honneur et une marque de reconnaissance pour le travail que nous menons. Je ne peux que m’en réjouir. Mais c’est, surtout, au niveau de l’Unesco, que cette visite va être interprétée comme un nouveau témoignage de l’engagement au plus haut niveau de l’Etat dans ce dossier. Nous avons saisi cette occasion pour demander un appui financier exceptionnel de la part de l’Etat afin de réaliser le chantier 2025 prévu dans le cadre du projet Unesco. Nous fondons beaucoup d’espoir sur les promesses qui nous ont été faites par le secrétaire général et par le ministre de la Culture, afin de relever le pari que nous avons pris aux yeux de nos partenaires.