logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Interview I Saïd Ali Sola : «Ce n’est pas un don, mais le fruit de beaucoup de recherches»

Interview I Saïd Ali Sola : «Ce n’est pas un don, mais le fruit de beaucoup de recherches»

Culture | -   Mahdawi Ben Ali

image article une
L’étudiant en master recherche en Art à Renne en France, attire l’attention des artistes locaux et internationaux avec ses dessins sur toile. Il innove en matière de lumière sur les techniques de réalisation de ses œuvres. Les prix et le succès qu’il remporte à l’occasion de cette cinquième édition le prouvent. S’il en était besoin.

 

Quelles sont les techniques auxquelles vous avez eu à recourir dans la réalisation de ces œuvres?

A première vue, on ne perçoit que le Pixel art, mais en fait il y’a, derrière, un long cheminement avec plusieurs techniques. Avant de commencer mes études en art, il me semble que j’avais, déjà, un bon coup de crayon, je faisais des dessins hyperréalistes. Durant mes études, chaque fois que j’étudie une technique, aussi ancienne qu’elle soit, de l’art optique ou du pointillisme, j’essayais de m’approprier certaines techniques. Une fois que je l’ai encrée dans ma palette, je passais à une autre et, au final, j’ai emmagasiné le tout pour arriver à faire du pixel art.


Lors de mes créations, je fais d’abord un dessin préparatoire avec cinquante feuilles A4. Je réalise plusieurs portait et une fois fini, je les retranscris sur une feuille 1m20 et j’en fais de la peinture hyperréaliste avant de photographier chaque angle et de zoomer jusqu’à avoir plusieurs millions de pixels. C’est là où je commence le portait final qui me prend, au moins, deux mois. Cela fait mal aux yeux.

Il vous faut combien de temps pour un tableau?

Une des toiles exposées au Palais de Hamramba m’a pris quatre heures, rien que pour réalisation d’un seul carreau. J’ai dû m’assoir de 8h à 20h à l’hôtel Le Retaj pour finir la toile de la femme en shiromani. Je peux passer dix heures par jour sur une toile, un temps fou!
Ce qui est dommage c’est qu’on ne puisse pas exposer tout le travail qui est derrière. Un moment, j’ai même pensé présenter un tableau inachevé pour qu’on puisse voir les traces de crayon et réaliser à quel point le travail est difficile.


J’ai également, imaginé un plus grand espace pour exposer les dessins préparatoires avec les cinquante esquisses que je dois réaliser pour avoir un seul tableau. Pour la femme en shiromani, j’ai dû réaliser quatre portraits que j’ai mixés et modifiés pour avoir un seul portait. Rien que les équations sur un tableau, cela prend autour de deux semaines. Il faut vraiment être sûr des mesures de chaque pixel. Chaque tableau a, au moins, cinquante dessins préparatoires.

Vos tableaux font sensation dans ce cinquième Facc. Cela représente quoi pour vous?

Je sais déjà que mes œuvres «tapent à l’œil» mais ce qui serait vraiment intéressant c’est d’avoir une opportunité avec un marchand d’art ou un commissaire qui me donne l’occasion de montrer tout ce travail.Cela fait plaisir de voir que mes œuvres attirent l’attention, notamment, aussi bien chez les artistes internationaux que nationaux. J’avais proposé au directeur artistique du Facc de me donner un espace pour que je puisse présenter tout ce qui est derrière chaque portrait avec des séquences vidéo en atelier.A l’heure actuelle, beaucoup peuvent se prévaloir d’un bon coup de crayon, mais il faut savoir comment et pourquoi on a réalisé nos créations. L’essentiel n’est pas de réaliser un beau tableau, mais comment on l’a fait, avec quel moyen et dans quel contexte. Je me suis toujours dit que tout ce qu’on peut réaliser en version numérique, je peux le faire à la main. D’ailleurs, j’ai déjà réalisé des illustrations de Roman jeunesse à la main et je compte en sortir un autre en 2023. Certains avaient cru que ça été fait à l’ordinateur mais il n’en est rien.

Pouvez-vous nous donner des prix sur vos dessins sur toile?

La vente de tableau dépend de l’acheteur ou de l’évènement. En temps normal, je vends beaucoup à travers les réseaux sociaux. A mes débuts, je vendais des toiles entre 30 et 50 euros. Puis, j’ai commencé à vendre dans des petits salons de petites communes en France et, au fur et à mesure, j’ai commencé à rencontrer les marchands d’art et des galeristes étrangers. C’est là où j’ai commencé à relever les prix. Les portraits de Mashuhuli que je réalise quasiment chaque semaine, sont au moins à 500 euros. Dans les expos, c’est entre 1500 à 3000 euros. En février dernier lors d’une vente aux en chers à Palerme, j’ai vendu un tableau à 84.000 euros.

Comment avez-vous commencé?

Contrairement à ce que certains pensent, il ne s’agit pas d’un don. C’est le fruit de plusieurs recherches. D’ailleurs ce que certains peuvent faire en deux heures, je le ferais en trois jours mais cela vaut le coup. J’ai commencé en 2016 lorsque, ayant pris conscience que ma voie n’était pas dans une faculté d’économie, je me suis inscrit en littérature et parallèlement en art. C’est surtout les gens qui ont vu mes créations sur les réseaux sociaux qui m’ont poussé à continuer en fac d’art et être là où j’en suis aujourd’hui. Comme quoi les réseaux sociaux n’ont pas que des cotés sombres.

Un dernier mot?

Au collègue, j’avais des notes lambda comme tout le monde, entre 10 et 12. Depuis 2016 que je me suis inscrit en fac d’art, j’ai fait un long chemin. Je produisais des tableaux aux couleurs des îles et de l’Afrique comme beaucoup de nos artistes avant de me dire qu’il faut que je me décale de cette image. C’est là que je me suis mis à peindre avec d’autres techniques. Aujourd’hui, chacune de mes créations attire la curiosité. Il faut que les artistes apprennent à s’ouvrir.

Commentaires