Chez les habitants des Iles de la lune, tous âges confondus, la trop grande tendance à aduler tout ce qui vient de l’étranger a, de toute évidence, contribué à envoyer aux oubliettes les jeux de shamtra, nkirihiri, ankipwa, kopwa lameri, le mwadzunguso et autres geli. Alors, comme pour la langue, le twarab et les contes, ces jeux de société, qui les ont longtemps bercés, tendent à disparaître.
Ces pratiques ludiques appris dès le plus jeune âge et «de père en fils» et partagés en famille et entre amis sont, désormais, de l’histoire ancienne. Aujourd’hui, tous et toutes ont complètement disparu du langage de la nouvelle génération.
Acculturation contreproductive?
Alors, place aux jeux d’échec, au monopoly, au scrabble et autres dominos! Certes, l’apport de certaines pratiques et le métissage peuvent constituer une richesse et une ouverture à l’autre, mais faut-il pour cela, nécessairement, mettre de côté ses propres jeux au profit d’autres. Ne serait-ce pas, là, une forme d’acculturation contreproductive?
«Plusieurs choses sont à l’origine de la disparition des jeux de société comoriens et le rôle des parents en fait partie. Au lieu de jouer avec leurs enfants avec des jeux issus de leur pays, «faute de temps», entre autres raisons évoquées, ils préfèrent leur acheter un jeu de monopoly, une bicyclette, du scrabble, etc.
Plus incroyable encore, beaucoup d’entre eux pensent que si leurs enfants ne pratiquent pas ces jeux «étrangers», c’est qu’ils ne sont pas «modernes», ce qui me parait très regrettable», déplore le formateur en animations, Abdoulanzize Ahmed Koudra.
Bien-être et éducation
En parlant de jeux de société disparus, qui se souvient encore du simba mkabale? A la «belle» époque, au vingt-sixième jour du mois de ramadhwan, on pratiquait le jeu dit de simba mkabale. Une personne se faisait habiller en feuilles de bananier de la fête au pied, pour faire peur aux gens dans la rue tout en créant une ambiance festive partagée par toutes et tous.
Les jeux de société sont un divertissement vieux comme le monde. Ils procurent du bien-être dans la société et contribuent à éduquer sur des sujets liés à l’art, à la religion voir-même à l’art de la guerre avec, pour ce qui est des Comores, le jeu du matsatsaliano ou encore le calcul mental avec le mraha.
«Pour tenter d’inverser la tendance, les associations culturelles doivent s’occuper véritablement des activités culturelles. Leurs statuts indiquent qu’ils ont pour objet de protéger la culture comorienne», martèle Abdoulanzize Ahmed Koudra. Il faut noter, par ailleurs, que la disparition de ces jeux conduit à une altération d’éléments de la Culture du pays même à l’occasion de célébrations d’évènements considérés comme traditionnels.
C’est ainsi que «à l’heure actuelle, dans les ukumbi ont a mis de côté le sahari pour des robes de mariage venues d’ailleurs. Tout cela pour pouvoir se persuader qu’on est quelqu’un de «moderne», insiste Abdoulanzize Ahmed Koudra. Enfin, le formateur en animations «tient à rappeler que rien n’indique que celui qui joue au Play station et au scrabble soit plus intelligent que celui qui fabrique lui-même les voiturettes en boites de sardine et les bâtonnets du jeu de geli avec lesquelles il joue».