L’art et la culture : un pilier pour le développement d’une nation”. Le slogan est dans toutes les bouches, celles des politiques comme celles des artistes. L’argument peine à convaincre dans la société comorienne en générale et dans la presse en particulier. Il n’y pas besoin de mener de grandes enquêtes pour se rendre compte du peu d’espace que les médias accordent à la promotion des Arts et de la culture comorienne.Alors que les journalistes sont de plus en plus nombreux dans les rubriques “Politique”, “Education ou encore sur “Santé”, ils se comptent sur les doigts d’une seule main dans le domaine de la culture.
“Parler de la culture dans la presse permet de mettre en lumière le génie local. Malheureusement les journalistes s’y intéressent très peu. Aux Comores, seul la politique intéresse nos confrères, les rubriques comme la culture sont mises de côté. Lorsque j’ai intégré les médias en 2016, j’ai jugé nécessaire d’apporter ma petite expérience de scène sur le papier. Et cela m’avait été d’une grande facilité. Aujourd’hui, j’en suis fier”, raconte le chef de la rubrique “Art et culture” à La Gazette des Comores, Abdillah Oubeidillah dit Yazid.
Une affaire de “grands”?
Une chose est sure : rare sont les artistes de la place qui disposent de press-book malgré leurs activités multiples. Cela se comprend d’autant plus qu’à l’heure actuelle, seuls les quotidiens La Gazette des Comores et Al-watwan ou encore notre confrère en ligne, Mouzdalifa House, se font un devoir d’informer régulièrement les lecteurs sur les arts et la culture.
“Même si on peut leur reprocher de n’avoir d’yeux que pour les “grands” évènements et les artistes “de renom”, oubliant tout le reste”, estiment de nombreux acteurs du secteur selon lesquels la presse audiovisuelle manquerait “cruellement” à son “devoir” de couverture dans ce domaine. A ce propos, certains artistes n’hésitent plus à interpeller le service public de la radio et de la télévision qui “en dépit de quelques concours sur les arts destinés essentiellement à gonfler l’audimat”, accorderait peu d’intérêts au secteur.
Quand on pense qu’il y’a quelques années le principal média du pays brillait, justement, par ses programmes célèbres tel que Ye tiatire no wakati, Samdi twarab, Narihadisi no wana ou encore Djimbo la shiKomori, on peut, il est vrai, se poser des questions. “Il est rare, par exemple, de voir un homme de culture ou un artiste être convié au journal télévisé”, s’insurge même un artiste.
Une question de moyens?
Pour sa part, le journaliste culturel, Soilihi Abdallah Moina de l’Ortc, reconnait qu’il y’aurait des choses à dire par rapport à l’effort de couverture mais soutient, parallèlement, que les concernés “ne savent pas se vendre”. “Peu d’artistes sont pertinents. Sans chercher à manquer de respect à quiconque, il faut dire que les médias mettent en valeur ceux qui accordent le plus de crédit à leur métier et c’est tout à fait normal.
Sans compter, ajoute-t-il, que les médias ne disposent pas des moyens qui permettraient aux journalistes culturels de travailler quotidiennement”. “Chez-nous, on doit faire avec une équipe très réduite. Un journaliste doit couvrir deux à trois rubriques à la fois. Moi, par exemple, je suis chargé de la culture, de l’environnement et des sports. Le temps que je peux consacrer à la culture est, malheureusement, nécessairement, très réduit. La culture n’a pas suffisamment sa place dans la presse, c’est dommage, mais c’est ainsi”, résume pour sa part le chroniqueur culturel, Nassuf Moindjié Abdou, du quotidien Al-fajr.
Il n’y a pas que les “évènements” culturels !
Au Ccac-Mavuna et à l’Alliance française de Moroni, deux des très rares lieux qui acceuillent les manifestations culturelles dans la capitale, le constat est le même.Selon le président du Ccac-Mavuna, seuls Al-watwan et la Gazette publient des articles sur l’art et la culture. “Et encore, ils se contentent des manifestations artistiques et culturelles et ne parlent qu’exceptionnellement de ce qui pose réellement problème dans ce domaine, telle que la difficulté de la direction de la culture à proposer un programme sur le développement du secteur”, déplore Soumette Ahmed.
La chargée de communication à l’A-f de Moroni, Hafsoi Salim, “regrette” qu’on parle si peu d’art et de culture dans la presse: “on peut créer tous les évènements qu’on veut mais sans couverture médiatique suffisante seul le public présent peut en tirer profit. Les medias ont le rôle de véhiculer l’information et de la sauvegarder. Si aujourd’hui il y’a encore des traces des plus anciens tubes de la chanson comorienne, c’est grâce, notamment, à la radio qui, au paravent, remplissait beaucoup mieux cette mission”, tient-elle à rappeler.
Mahdawi Ben Ali