Les premières confréries ont atterrit sur les côtes kenyanes, tanzaniennes et comoriennes à la fin du XIXè et début XXe siècle. Il s’agit de la kadrya, shadhulia et rifaya avant la dandarawiyya, l’anlawiyya, la nakshbandiyya et, plus récemment, la tidjaniyya arrivée d’Afrique de l’ouest. Contrairement aux autres confréries qui sont arrivées de la mer par le biais de boutres, de commerçants et de relais locaux, la shadhulya, est arrivé directement de… la Palestine avec Cheikh Abdallah Darwesh.
Partie en pèlerinage à la Meck, ce Cheikh originaire de Mascat, installé à Itsandra au centre de l’île de Ngazidja a fait un détour en Palestine où il a rencontré le calife de la shadhulia, Ali Nourdine El Yashuruti, qui l’a initié aux pratiques de son twarikat. De retour aux Comores, il n’a pas perdu du temps à mettre en pratique cette culture nouvelle dans sa ville d’acceuille.
“Cheikh Abdallah Darwesh a eu quelques difficultés à développer la twarikat à Ngazidja, dans l’archipel des Comores n’en parlons plus au-delà. Il était situé, dans la hiérarchie sociale, dans une position qui ne lui ne permettait pas d’avoir une autorité sur les autres. C’est lorsqu’il a introduit Saïd Mohamed Bin Cheikh Al-Maarouf dans la confrérie que la shadhulya El Yashurthu a commencé à prendre son envol”, a précisé l’anthropologue Jean-Claude Penrad sur Oumma Tv.
Al-Maarouf
Bien que ce soit Cheikh Abdallah Darwesh l’instigateur de la confrérie Shadhulya aux Comores, c’est son protégé Cheikh Saïd Mohamed Bin Cheikh Al-Maarouf qui a marqué son histoire dans l’ensemble de l’archipel et au-delà de ses frontières immédiates notamment à Madagascar et Zanzibar. “La Zawia de Moroni s’est développée de façon extrêmement importante et le charisme de Cheikh Mohamed Bin Cheikh Al-Maarouf a fait en sorte que beaucoup de personnage qui se situaient dans la hiérarchie politique et sociale se sont retrouvées au tour de lui pour des pratiques mystiques. C’est là où s’est développé un réseau confrérique qui perdure jusqu’à aujourd’hui”, rappelle l’auteur d’Islam et confréries musulmanes en Afrique orientale et dans l’océan Indien occidental.
Les confréries s’avèrent une culture de paix et de cohésion sociale. Malgré les querelles entre localités et îles, il suffit d’un temps de dhikri pour voir les muridis et leurs disciples se réunir autour d’un cercle de Lihadji pour tout oublier.Aujourd’hui les confréries de la région continue chaque année à célébrer la mort de cheikh Saïd Mohamed Bin Cheikh Al-Maarouf décédé en 1904. Lors de sa dernière commémoration, le chargé de communication de la confrérie Shadhuli Hachim Mohamed Abdallah a appelé toutes les confréries à s’unir pour préserver les valeurs du soufisme dans le pays. Selon lui, ces valeurs ont aidé à implanter la paix dans la culture et la tradition des Comores.
“Notre pays est connu pour la paix qui y règne et son hospitalité légendaire, non pas parce qu’il fait partie des pays musulmans mais grâce aux valeurs de tolérance insufflées par la culture soufi. Nous savons que dans notre pays, il y avait les guerres des sultans, or ces personnes-là étaient des musulmans, mais depuis l’avènement du soufisme aux Comores, la paix s’est installée”, a déclaré le chargé de communication de la confrérie Shadhuli, Hachim Mohamed Abdallah.
Faire entendre les chants soufis
Bien que les wahhabites et d’autres clans rivaux continuent à faire peser leur menace sur les confréries, ces dernières, continuent de se perpétuer et à défier le temps. Longtemps résolu à être pratiqué exclusivement dans les zawiyas, les chants soufis commencent depuis quelques temps à se démarquer et à investir les concerts et plateaux de spectacles. Désormais, comédiens, slameurs et chanteurs apportent leur talent pour valoriser cette culture soufi implanté aux Comores depuis le début XIXe siècle.Le groupe Sambeko fut en 1994 le premier à avoir osé mettre en scène le dayira avec le morceau, Mwiso interprété par Peta Ahamada. Par la suite, c’est plus ou moins entré avec, notamment, feu Kadafi et la chanteuse, Nawal Mlanao.
Parmi les acteurs culturels comoriens, c’est sans nul doute, l’auteur et dramaturge Soeuf Elbadawi qui a rendu le plus de copies sur les pratiques soufis. Après avoir mis en scène “Un Dhikri pour nos morts. La rage entre les dents”, Soeuf Elbadawi l’a également sorti aux éditions Vent d’ailleurs. Après avoir réalisé l’album Ali amani en 2009, Soeuf Elbadawi et Mourchid Abdillah ont créé l’ensemble soufi Lyaman avec lequel ils ont sorti Abyati 19. Un album d’une dizaine titres. Sur scène Mourchid Abdillah, Chadhouli Mohamed et Mohamed Saïd continuent à faire entendre les chants soufis aux Comores et bien au-delà.
“Dans les mosquées, les chanteurs sont nombreux, et se relaient sans que cela impacte la prestation. Nous n’étions que trois sur scène, pour une heure non-stop de spectacle, ce qui fait que nous avions du mal à gérer notre souffle. La technique est différente, tout repose sur l’individu. Nul n’a droit à l’erreur”, a expliquait le leader de la troupe Lyaman, Mourchid Abdillah avant sa prestation à l’arène d’Oasis.
Mahdawi Ben Ali