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Les expressions figées en shiKomori

Les expressions figées en shiKomori

Culture | -   Contributeur

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Tout comme en français, il existe dans le shiKomori un nombre important des séquences figées qui s’utilisent souvent dans nos discours oraux et écrits sans qu’on le sache. C’est pour montrer à quel point notre belle langue est à la fois riche et vivante. Bien loin de la mauvaise image qu’on lui prête.

 

Je peux citer à titre d’exemples des séquences figées qui s’utilisent souvent lors de nos différentes manifestations à caractère religieux, culturel ou politique telles que toa edhahabu ho hanywanyi (parle concrètement), hapwa mwaha (il a fait un scandale), hali irobwe (il s’est trompé), hitswa shiyi (insolent), hutsongo mvu (tu t’es mis dans une situation insupportable).

Ces expressions ne sont ni des proverbes ni des dictons car elles ne cherchent pas à donner des enseignements ou une morale. Elles s’emploient comme des mots ou des phrases libres, normales.

Elles se distinguent des mots ou des phrases libres par leurs structures figées, fixes, par leur sens opaque. On ne peut pas ni modifier leur ordre ni supprimer ni remplacer un de leurs mots par un autre de sens équivalent. Tous les éléments qui constituent une séquence figée perdent leur sens propre.

Observons, par exemple, l’expression hanireme mare marahafu  qui signifie  hani rai  (il m’a séduit par de bonnes paroles). L’ensemble de ces mots perdent leur existence autonome habituelle et on ne peut pas percevoir leur sens à partir de ses composants. Ils constituent une seule unité de composition. Emwana hende dahoni. Hanireme mbwadjuu. Wazitra itsoni. Kudume-lande.

L’existence des séquences figées dans notre langue ne suscite aucun doute. Mais pouvoir les reconnaitre, les répertorier dans le discours ne facilite pas la tâche des locuteurs étrangers. C’est pour cette raison qu’il est des critères d’identification permettant de les reconnaitre facilement.

On peut retenir notamment la polylexicalité, c’est-à-dire qu’une séquence figée est formée de plusieurs mots : mbe-nene, hitswa-daho, hadja dja Madjumwa, hadji suku...  Les mots mbe dans mbe-nene, hitswa dans hitswa-shiyi et hadja dans hadja dja Madjumwa sont privés de leur sens propre d’où le deuxième critère appelé opacité sémantique.

Une séquence figée est différente d’une séquence libre dont le sens est toujours transparent. En observant les phrases ci-dessous mentionnées, un Comorien natif des Comores pourrait identifier sans contrainte les séquences dont le sens n’est pas clair au sens linguistique du terme. Allons tester nos connaissances !

Mbaba hali maele                  Mbaba
hali shamdudu  
Houmadi haparwa ni Ali       Houmadi
haparwa naibu
Koko halele mwana               Koko halele uvundo

Les séquences mises à gauche sont, contrairement à celles de droite, libres. N’est-ce pas ?

Les expressions figées ont un nombre considérable d’emplois dans la langue comorienne. On ne pourrait pas les ignorer car leur phénomène linguistique touche tous les domaines de notre langue notamment la syntaxe (taârifa habari au lieu de taârifa ya habari), l’orthographe (mkatrasinia au lieu de mkatre wasinia), la sémantique (hitswa-shiyi qui veut dire mtsovwadabu hau mtsovu-adabu), la phonomogie (mbuzadanga au lieu de mbuzi yadanga).

 

 Abdou Djohar,
docteur en Sciences du langage

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