Cela fait dix ans maintenant que la mère de l’auteur et artiste, Soeuf Elbadawi n’est plus. Cette ancienne secrétaire de la Banque des Comores et de Madagascar s’est éclipsée un matin de 3 décembre “fauchée violemment” par un cancer à 63 ans. Son fils le pleure depuis. A sa manière. Car ce dernier précise quelque part dans le recueil qu’il ne s’agit pas d’une complainte de deuil : “inu duâ yomrea maruvu”. En exergue du livre, il y a ces vers de Rûmi : “Si tu viens en pèlerinage à mon tombeau / Le sol de ma tombe t’invitera à la danse / Ô mon frère ! N’y viens pas sans daf ! / Au banquet de Dieu, la tristesse n’est pas la bienvenue”.
Dimanche 3 décembre, au Muzdalifa House (Sanfili), Soeuf Elbadawi a invité plusieurs de ses amis à une lecture de ce poème qui honore la mémoire de sa mère. “Un poème pour ma mère, une rose entre les dents”, publié en 2008, réédité en 2013, ressort pour la troisième fois consécutive, cette année, aux éditions Komedit.
Le livre témoigne de la passion que cette femme vouait aux autres, de son vivant. Zahara Ibrahim est connue pour être co-initiatrice de nombreux projets communautaires dont la construction du Foyer des femmes de Moroni. Une ancienne secrétaire de la Banque des Comores et de Madagascar qui, après avoir tenu une entreprise familiale, a été une des co-fondatrices de la Mutuelle d’Epargne populaire Meck.
Généreuse
L’auteur de “Moroni Blues/ Chap. II” se rappelle du rapport que sa mère entretenait avec la famille et ses semblables. “Le mot voisin était, bien sûr, chargé de sens pour cette femme qui n’hésitait pas à partager le peu qu’elle possédait avec le premier venu”, se rappelle Elbadawi, qui soupçonne sa mère d’avoir cherché à lui transmettre sa propre foi en l’homme : “A l’entendre, l’univers entier était notre famille”.
Soeuf Elbadawi se remémore les souffrances silencieuses contre lesquelles cette “mère de générosité” a dû lutter durant sa longue maladie. Les mensonges des “valeureux twabibu”, ces mêmes médecins qui ont confondu son cancer avec une “sciatique aveugle”.
“Apvwenge mnyezimngu namrehemu, yamwaswilishe, yamhukumu ha wangu, yarudi yamlaze pvwema”. Le salut de Dieu, le pardon et le repos éternel, pourrait-on traduire. Tels sont les mots que Soeuf Elbadawi, accompagné au chant par des mourides de la confrérie shadhulii (ustadhi Mourchid Abdillah et Mouhamadi Saïd), a lus en ce dimanche des dix ans de la disparition de sa mère, au Muzdalifa House à Sanfili, à Moroni pour un dernier hommage à la défunte. Un des chants scandés se résume à ces mots : “Kullu man fil’kauni yafna illa man yufni wayabqa”. (“L’univers entier s’anéantira et Lui seul restera”, en parlant de Dieu). Comme pour rappeler que le seigneur n’a fait que reprendre son dû, avec la disparition de madame Zahara.
A la fin de cette soirée-hommage, Soeuf Elbadawi et ses amis ont fait voler des lanternes chinoises que d’aucuns se sont amusés à confondre avec le mythe du laïlatul’kadri. La semaine prochaine, un même événement est prévu à Mirontsi, la deuxième ville d’appartenance du poète à Ndzuani. Avec de jeunes élèves qui ont traduit le recueil, écrit en grande partie en français, dans la variante dialectale parlée sur l’île, sous la direction du poète Anssoufouddine Mohamed.