Après “Guerriers, princes et poètes aux Comores dans la littérature orale”, Dr Moussa Saïd Ahmed vient de sortir édition Coelacanthe, “Poésie orale chantée des Comores” entre 1883 et 1982. L’ouvrage est, à la fois, une étude historique et poétique des aspects historiques et sociologiques de la poésie orale chantée des Comores à travers un corpus de trente-six chansons collectées essentiellement à Ngazidja. Selon l’auteur, la poésie orale chantée des Comores centrée sur les événements historiques autant que de la vie quotidienne constituent une documentation importante, bien que leur apport ait connu un appauvrissement certain ces vingt dernières années.
“Pour sauver cette forme de poésie, la solution réside dans le recours aux moyens audiovisuels ainsi que dans l’implication du ministère de la Culture” estime l’auteur. Dans cette optique et selon lui, les médias du service publique, la radio particulièrement, doivent programmer de manière régulière des émissions sur les hale, les mayimbio, les boras, les chants de danses, et les autres genres littéraires traditionnelles, voir même des émissions d’histoire pour valoriser ce patrimoine et le faire se perpétuer à travers le temps.
Accompagner la vie
La poésie orale chantée rythme la vie du Comorien de la naissance à la mort. Il fut un moment où les accouchements étaient “accompagnés” par un idumbio yikoza entonné par des membres de la famille et du proche voisinage pour soutenir la future mère dans ce qui traditionnellement considéré comme une véritable épreuve, parfois même risquée. Il s’agissait de paroles destinées à consoler la mère et souhaiter un avenir au nouveau-né. Tout de suite après l’accouchement, venait le bora, un autre genre destiné à souhaiter la bienvenue au bébé.
Le bora est généralement utilisé pour annoncer les bonnes nouvelles. Dans cet ouvrage Dr Moussa Said Ahmed propose des exemples des différentes poésies notamment le imbio avant de se livrer à une étude de texte de long en large en rappelant le contexte historique de leur composition.
Dans ce pays où l’histoire est si peu écrite, ce professeur d’histoire et civilisation comorienne à l’université des Comores rappelle que cette poésie orale chantée permet de remonter les événements historiques à travers les compositions de wapvandzi et des anciens poètes ambulants (M’pvandzi mwendedji). A une époque où il n’y avait pas de presse écrite et de médias audiovisuels, ces derniers faisaient le tour de Ngazidja pour faire circuler les nouvelles au moyen de la chanson.
L’essentiel de l’oeuvre semble résider dans les complaintes ou idumbio. L’auteur s’y emploie à retracer et à décortiquer les plus viellent complaintes qui ont beaucoup marqué dans l’histoire des Comores ainsi que leurs auteurs notamment le célèbre Ipvesi Bungala, le compositeur de la non moins célèbre idumbio, Mshe Mhaza.
Des pans entiers de l’histoire, de la vie politique et de la société comorienne défilent à travers les témoignages laissés par les wapvandzi. Certains de ces poètes restent encore inconnus malgré les récits qu’ils ont laissés derrière eux.
Parfois même au péril de leur vie, ces poètes ont défié les colons et les anciens régimes dictatoriaux comoriens par leurs compositions parfois quasi révolutionnaires. C’est ainsi, par exemple, que dans Mshe Mhaza, Ipvesi Bungala rappelle les souffrances qu’il a vécu pour avoir osé critiqué le régime colonial en ces termes, entre autres : “Mshe Mhaza kapvode Moo / Uwo ngwandzo ntsende safara manga / Safara Bushini ngamdjohend / Kaistina budi ngamwendo manga (…). Ou encore : “Tsika mdrini ntsihu miwongo / Na pvontsi tsilala ntsihu madjana / Haupua nyoshi pvo yashusha / Ha utapilia lekomio”.