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Littérature : «Naniho», ou quand la poésie devient un cri d’identité

Littérature : «Naniho», ou quand la poésie devient un cri d’identité

Culture | -   Nourina Abdoul-Djabar

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Avec Naniho, Moritadhoi Loukile transforme la poésie en acte de résistance culturelle. Entre scène, ateliers et récital, elle célèbre Mohéli et fait du shiMwali un étendard artistique.


Paru en 2019, Naniho n’est pas seulement un recueil de poésie en shiMwali. C’est aujourd’hui un spectacle vivant, un projet culturel itinérant et une déclaration identitaire forte, porté par Moritadhoi Loukile, alias Mahe Mouri. L’autrice, poétesse et artiste engagée, revient sur la genèse de ce projet profondément enraciné dans son île natale et sa langue maternelle. «Naniho, cela signifie «quelqu’un» en shiMwali.» Un mot en apparence banal, mais longtemps utilisé de manière stéréotypée par d’autres Comoriens pour désigner les Mohéliens. Elle en a fait un symbole de fierté. «C’est un clin d’œil à mon île. À travers mes textes, mes spectacles et mes voyages, je cherche à révéler la beauté de ce nom, des coutumes, des chansons, des paysages de Mohéli. C’est une affirmation identitaire », confie-t-elle.


L’histoire de Naniho débute lors d’un atelier d’écriture animé par l’écrivain Nassur Attoumani à l’Alliance française de Fomboni en 2017. Ce déclic pousse Moritadhoi à écrire dans sa langue maternelle. «Je me suis mise à écouter ce qui se disait autour de moi, dans les mashuhuli par exemple. J’ai découvert la richesse musicale de notre langue », se remémore la poétesse. Encouragée par son ami poète Anssouffoudine Mohamed, elle compile ses textes dans un recueil. Celui-ci restera un an dans son ordinateur avant d’être publié chez les éditions Cœlacanthe. Elle choisit alors le pseudonyme Mahe Mouri, en hommage à sa grand-mère, chanteuse de poésie traditionnelle mohilienne.

30 poèmes

Depuis 2023, Naniho prend une nouvelle forme à travers une tournée mêlant lectures poétiques, musique traditionnelle et ateliers de slam. L’artiste est accompagnée de collaborateurs engagés comme les musiciens El-Amine Boinahamissi et Ali Madi Boléro, ainsi que du soutien de l’Alliance française de Fomboni, du Parc national de Mohéli et des Centres de lecture et d’animation culturelle de Salamani et Nyumashuwa.

Le spectacle du samedi 18 mai dernier visait à révéler l’existence du livre tout en mettant en lumière la richesse de la culture comorienne. «Quarante élèves de Fomboni et de Nyumashuwa ont chanté en ouverture, a cappella. Ensuite, j’ai pris la scène avec mon groupe de trois musiciens», raconte-t-elle. Quatre établissements ont participé aux ateliers : l’École communautaire régionale de Fomboni, le groupe scolaire Réussite, l’école privée Usoma et l’école communautaire de Nyumashuwa. Il ne s’agissait pas d’un concours, mais d’un espace d’expression. Chaque participant a pu suivre gratuitement un atelier de slam-poésie et monter sur scène. «J’espère qu’une grande famille de slameurs va émerger à Mohéli. La poésie est l’un de nos plus précieux héritages culturels», rêve l’artiste.

Le projet Naniho est financé par la Commission de l’Océan indien et l’ambassade de France aux Comores. Il comprend également un clip audiovisuel actuellement en préparation. La poétesse souhaite désormais publier une version française de son recueil et poursuivre la tournée dans d’autres îles de l’océan indien, comme Madagascar ou les Seychelles. «Le livre comprend 30 poèmes. J’aimerais que chaque lecteur se reconnaisse dans l’un d’eux, qu’il sente que sa voix compte. À tous ceux qui me lisent, je veux dire : n’oubliez jamais que vous êtes aussi Naniho, quelqu’un », dit-elle.

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