Assisté par son collègue Aboubacar Saïd Salim et son éditeur camerounais, Paul Dakeyo, Mohamed Toihiri a présenté, mercredi dernier à l’Alliance française de Moroni, son cinquième ouvrage «Splendeur et misère d’un bigame». Devant plusieurs jeunes venus discuter avec un des tous premiers écrivains comoriens d’expression française, ainsi que des étudiants de l’Université des Comores (anciens et nouveaux) «venus soutenir leur professeur», l’auteur a, tout d’abord dans sa brève introduction, tenu à expliquer le pourquoi de ce thème. «Dans mes études, j’ai toujours croisé des couples dont les maris, durant les sorties, se tournaient pour lorgner les femmes des autres. Je n’ai jamais cessé de me demander pourquoi. Alors j’ai écrit ce livre pour juste montrer la situation des bigames (ou polygames)», a-t-il expliqué. L’auteur de «La République des imberbes», le premier roman comorien d’expression française, a insisté pour montrer que son cinquième ouvrage «n’est pas un roman» mais «le récit d’un monogame qui a voulu assouvir son envie de compléter ou de chercher son bonheur aux côtés d’une autre femme, sans répudier la première».
Naturelle?
Dans ce récit, le mari va choisir pour deuxième compagne, une «intellectuelle», une femme «plus instruite» que la première. Entre le traditionnel et le moderne, l’amour d’avant et celui d’après, l’amour et la jalousie, le mari bigame va, après les périodes de grâce (de délices), vivre son pire calvaire. «Une vie au cours de laquelle il n’osait pas dire la vérité ni à l’une ni à l’autre». «Dans cet ouvrage à la langue colorée, se cache, mitigée de scènes épicées de comique ou d’aigre-doux, autant que de tendresse et de rage, la réalité de la lâcheté de l’homme qui le conduit à la servitude et au regret. La question reste néanmoins posée : le c… entre deux chaises est-il, oui ou non, une position enviable?», a écrit la maison d’édition Sens et Tonka».
Mohamed Toihiri ne s’est pas empêché de demander à l’assistance «comment un homme peut avoir 2,3, ou 4 femmes?», sachant que dans d’autres pays africains, un homme peut dépasser la dizaine de femmes. Relativisant, Aboubacar Saïd Salim a soutenu que la question de la bigamie et/ou polygamie serait «naturelle» avec l’exemple des animaux à l’appui. Il donnera l’autre exemple des hommes des pays où la polygamie n’est pas permise avec «les amants», «les maitresses», «les deuxièmes bureaux», «les couvre-feux», entre autres. Tout en admettant que la question de la bigamie méritait d’être posée, avec l’expérience qu’il a vécue, l’auteur de L’Ecole de Bangano conclura son récit par «le divorce du mari avec sa deuxième épouse». Plusieurs questions s’en sont suivies avec l’assistance, notamment, le point de vue de l’écrivain par rapport à la polygamie. Celui-ci répondra catégoriquement qu’il n’y a jamais adhéré, contrairement au Dr Farida Atoissi, auteure de Sous le voile du bonheur qui se dit «prête à voir son mari épouser trois femmes et non la tromper avec une seule». Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer les raisons du recours à la polygamie aux Comores. La religion, l’économie, le clientélisme politique, mais aussi l’amour ont été avancées.
Mohamed A. Toihiri est né le 20 août 1955 à Mitsudje aux Comores, et a passé sa petite enfance dans la province de Tamatave à l’est de Madagascar. Il fait sa scolarité élémentaire dans son village natal, avant de partir à Moroni pour son secondaire au lycée Saïd Mohamed Cheikh. Il quittera les Comores après son baccalauréat pour poursuivre ses études supérieures à Bordeaux, en France, où il obtient une maîtrise en littérature, une maîtrise en communication et, en 1981, un doctorat ès lettres avec sa thèse sur «Les luttes de classes dans l’oeuvre de Sembène Ousmane». Enseignant aux Comores dès le début des années 1980, Mohamed Toihiri continue une carrière d’enseignant en France (de 1985 à 1994) et de nouveau aux Comores, de 1994 à 1997. Après une formation d’Inspecteur pédagogique, il est nommé au poste de directeur général de l’enseignement supérieur, de 1998 à 2001, tout en enseignant comme professeur de littérature de l’Océan indien à l’Institut supérieur de formation et de recherche aux Comores.
Depuis août 2002, il enseigne à l’Université du Michigan aux Usa. Avec la publication de La République des Imberbes en 1985 (L’Harmattan) Mohamed Tohiri devient le premier romancier comorien d’expression française. Suivront Le Kafir du Karthala, un roman paru en 1992, et La Nationalité, une pièce de théâtre publiée en 2001. Depuis 1994, Tohiri collabore au journal comorien, Al-Watwan. Ses prochaines publications comprennent un roman, Splandeur et Misères d’un bigame et une pièce de théâtre, 22 à Bacha.