Après avoir sillonné des localités de Ndzuani pour présenter et échanger autour de son tout premier ouvrage, «Nisisuali intsi - ceci n’est pas une réponse», le gouverneur de Ndzuani, Anisse Chamsidine, s’est rendu à Ngazidja pour une présentation au Muzdalifa House ou des échanges avec des collégiens au restaurant le New select.
Dans cet ouvrage, l’auteur se résume à se poser des questions sur la «souveraineté» des Comores. Connu pour son franc-parler et sa hardiesse à faire face à la politique française aux Comores, notamment lors de l’épidémie de la covid-19 quand il a voulu empêcher le bateau Mariagalanta de débarquer des Comoriens chassés de chez eux à Mayotte, il pose, dans cet ouvrage, des questions plutôt pertinentes sur les relations qu’entretient la France – qui occupe cette partie du territoire comorien – avec les Comores.
«Nous ne sommes rien sans notre indépendance»
«Que sommes-nous, si nous ne nous intéressons pas à la question de la souveraineté de notre pays? Yapvo rifu !», s’interrogeait, la semaine dernière, au Muzadalifa House Anissi, Chamsidine avant de soutenir que ses îles sont «loin d’être indépendantes» à plusieurs égards.
«Je ne vais pas m’attarder sur la question de Mayotte dont tout le monde sait de quoi il retourne et combien de drames sa situation cause. Il y a encore d’autres soucis. En matière d’éducation, l’heure est grave : nos enfants apprennent en français dès leur plus bas âge et ce, jusqu’à l’université. L’économie est prise en otage par le franc Cfa, une monnaie dirigée par la France. Notre port, Moroni Terminal, n’est-ce pas Bolloré qui le gère? On se rappelle encore qu’hier, notre système de défense a été géré par la France alors que nous savons très bien qu’au lieu de nous protéger, c’est bien elle qui nous opprime», avait-il alors martelé.
Face à ces «ingérences» qui déstabiliseraient l’indépendance du pays, le gouverneur s’interroge : «Jusqu’à quand allons-nous rester ainsi? Le pays c’est moi, c’est vous, c’est nous tous. Je n’ai pas de réponses face à ces questions sur la souveraineté, mais je suis persuadé qu’ensemble nous pouvons contribuer à trouver des solutions. Doit-on accepter qu’on soit déjà «mort» comme l’ancien colon le veut à travers le nom qu’elle nous a donné?», se demande le gouverneur qui va jusqu’à suggérer de changer le nom de «Comores» qui, selon lui, «renvoie à l’article de la mort».
«…Nous sommes passés à la discutable prononciation française de «comme-mort», le pays mort-né. Nous nous transformerons par la suite en «como-riens», comme un rien suspendu dans le temps. Quand la France décide de déplacer sa capitale de Dzaoudzi à Moroni, «Undroni» – le véritable nom de l’ancien chef-lieu de Ngazidja qui signifie là où il fait bon vivre – mue à son tour et «Undroni» devient «mort-au-nid», considère Anissi Cahmsidine.
«Périlleux?»
Anissi Chamsidine reconnait, dans sa lancée, qu’il est périlleux pour une autorité comorienne de parler de souveraineté dans la mesure où des président comoriens auraient été assassinés par la France juste pour avoir osé imaginer un peu plus d’indépendance pour leur pays. «La jeune République des Comores, revendiquant son indépendance, va vite apprendre à ravaler sa salive dans une guerre qui, très vite, va la dépasser. Un premier président assassiné en 1978 servira à réimposer le diktat de la France. Ali Soilihi sera enterré et oublié, et ce, malgré le projet d’autonomie réelle qu’il envisageait pour l’archipel. Ahmed Abdallah le suivra dans la tombe.
Les mêmes hommes de main de la France sous ses tropiques se chargeront de le liquider», raconte Anissi Chamsidine à la vingt-troisième page de ses questions avant de soutenir que feu, Taki Abdoulkarim, a subi le même sort «empoisonné, assure-t-il, depuis une villa de Marbella par le même réseau d’hommes de main».Pendant ses échanges au Mouzdalifa House, on n’a pu se dire qu’il est bien difficile de parler de souveraineté dans un pays où le vivre ensemble est difficile et où les citoyens ont formidablement bien à se rejeter la patate chaude.
Alors, qui?
Durant sa séance de partage avec les collégiens au New Select, on a pu se rendre compte à quel point les jeunes scolaires connaissaient peu l’histoire des relations entre la France et les Comores. La question est, dans ces conditions, «qui va porter le fardeau et défendre cette autonomie si la jeune génération ignore la mémoire de son pays?»Encore une fois, comme dans pas mal de pays africains, l’histoire va être déformée et réécrite pas des étrangers pour une génération qui va oublier jusqu’au shiKomori qui n’est, rappelons-le, toujours pas enseigné dans l’école de la République.