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L’Émergence vue à l’Alliance française de Moroni : Un concept, mille visages…

L’Émergence vue à l’Alliance française de Moroni : Un concept, mille visages…

Culture | -   Dayar Salim Darkaoui

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Quatre artistes pour prendre en compte «la pluralité des points de vue des uns et des autres sur ce concept trop politisé» en donnant à ces artistes l’opportunité de le dépolitiser, en quelque sorte, en faisant cette chose dont tout le monde peut parler».

 

Laila Abdou Tadjiri, Azad Boinaheri, Zainou El Abidine Ali Mohamed et Ali Mroivili. Quatre artistes et quatre conceptions différentes du mot «Émergence», thème de leur exposition, ouverte avant-hier soir, dans le hall de l’Alliance française (Af) de Moroni, jusqu’à samedi prochain. Émergence, avec un «s», pour prendre en compte «la pluralité des points de vue des uns et des autres sur ce concept», explique Azad Boinaheri, à l’initiative de celle-ci. Le plasticien avance comme principale motivation, «le souhait de réunir des artistes, tout art confondu, autour d’une même thématique». Ce sera celle de l’émergence, un concept qui, en ce moment, lui paraît très politique. «Je pense qu’on doit se le réapproprier. Cette exposition est une manière pour les artistes de donner leur propre vision de ce concept et, donc, le dépolitiser, en quelque sorte. En faire quelque chose dont tout le monde puisse parler», explique-t-il en amont de la visite.


En entrant dans le hall de l’Alliance française de Moroni, l’on est immédiatement saisi par les toiles de l’artiste peintre et sculpteur Ali Mroivili dit Napalo. L’émergence passe chez lui par la «valorisation» de la culture comorienne, en commençant par nos matières. Les toiles de Napalo sont ainsi habillées de peaux de bananiers, de sable de mer ou, pour ce qui est des sculptures, fait de pierres locales, de noix de coco. À l’image de cette «Belle en danger de mort» (La tête d’une femme faite à partir de noix de coco épluchée, en partie brulée et recouverte de mèches), qui constate la «perte de l’identité» de la femme comorienne.


Les œuvres de Zainou El Abidine Ali Mohamed, surnommé Picasso, sont «porteuses d’un message sur l’émergence», résume l’artiste. La femme en tant qu’actrice du développement dans «Femme de la lune», la liberté de culte dans «Coexist» ou encore la justice équitable dans «Lumière». Sur cette dernière toile, on peut voir le visage de la comédienne Sitty Thourayat, sous les feux des projecteurs. «Elle a été libérée, certes, mais cette liberté n’est que relative. Elle n’enlèvera jamais cette douleur qui la ronge». L’artiste-peintre plaide, ainsi, pour une «justice transparente». Toutes les œuvres exposées par Picasso se retrouvent en une seule, la «Longue marche» qui doit mener vers l’émergence «tant souhaitée».

Une bouteille à la mer

Au beau milieu du hall d’exposition, un rectangle en bois rempli de bouteilles vides, complété d’une consigne demandant aux visiteurs d’inscrire, sur un morceau de papier, l’idée qu’ils se font sur l’émergence et l’insérer ainsi dans une bouteille. Comme «on lance une bouteille à la mer». «C’est Kwasa l’émergence?», titre de cette œuvre de Azad Boinaheri, repose sur l’interaction entre l’artiste et le «visiteuracteur». «Une sculpture sociale», selon les mots du jeune plasticien, qui «ne peut émerger sans l’apport de tout un chacun». Tous les messages vont en effet être utilisés pour constituer l’œuvre finale. L’exposition est accompagnée de la projection du film documentaire «Un jeune=un emploi» de la réalisatrice comorienne Laila Abdou Tadjiri, qui a été sacré, en septembre dernier, meilleur film documentaire au Festival international de court-métrage de Pointe-Noire au Congo-Brazzaville. La réalisatrice adresse une réflexion politique sur le concept d’émergence, «plus virtuel que réel» selon elle. Laila Abdou Tadjiri reproche à l’autorité politique de «n’avoir pas pris le temps d’expliquer aux Comoriens ce nouveau concept». A travers cette exposition, l’occasion leur est donné de se le réapproprier.


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