En compétition pour la première édition du Festival du cinéma comorien, le film Maecha du réalisateur Chayhane Kassim, raconte l’histoire d’une mère de famille qui, lasse de mauvais traitements, de violence conjugale et de pauvreté a cru salutaire d’opter, pour sa fille, la traversée dramatique de l’un des plus grands cimetières marins du monde qu’est le bras de mer entre les deux îles comoriennes de Ndzuani et Mayotte. Une histoire comme tant d’autres depuis l’instauration du «Visa Balladur»* qui empêche les Comoriens de se rendre et circuler librement dans cette partie de leurs territoire sous occupation française qu’est Mayotte.
«Tu sais combien les temps sont durs. Je n’ai même pas les moyens te payer l’écolage et ton père ne veut pas s’en charger. Je souhaite que tu partes pour Mayotte, rejoindre ton oncle. Au moins là-bas, peu importe la situation, tu pourras prendre soins de ta vie et t’occuper de nous. Face à cette pauvreté, on ne peut compter que sur nous-mêmes», a argumenté, Salma, pour tenter de convaincre Mariya, sa fille.
La jeune mère a dû battre le pavé pour réunir les conditions qui permettent à sa fille tenter l’aventure.
Dans la profonde obscurité de la nuit et la frayeur de l’océan, entassés à bords d’une frêle embarcation et prêts à prendre tous les risques pour atteindre «l’eldorado» rêvé, les passagers n’atteindront malheureusement jamais «la terre promise».
Avant que leur bateau ne chavire, ils ont, cependant, le temps d’échanger sur ce qui leur a fait prendre le chemin de ce bras de mer qui conduit «du monde des vivants à celui des mort»s. «Je pars loin de Ndzuani car, ici, la vie n’est évidente», «à Ngazidja aussi, la vie est vraiment dure», «il fait trop noir, j’ai peur», «Nous allons y arriver s’il plait à Allah». Telles furent, les dernières paroles de ces braves citoyens lambda qui vont, à coup sûr, périr, laissant derrière eux pères, mères, maris, femmes et enfants qui vont vivre avec cette douleur tout au long de leur vie.Aujourd’hui, les Comores n’arrivent même pas à donner un nom à ses disparus qui, par milliers, continuent de hanter la mémoire de tout un pays.
A l’heure actuelle, seuls les artistes, les écrivains et les cinéastes comoriens continuent de relater les péripéties de cette histoire dramatique liée à l’île comorienne de Mayotte. «Mayotte est devenue une sorte de vache à lait, aussi bien pour les étrangers (les expatriés européens, notamment) que pour les natifs de cet archipel. On s’y rend tous, en oubliant ce qui nous fonde. Alors même que c’est ce qui explique l’effondrement de nos utopies. Maore** signale notre épuisement à tous. Elle signifie notre lente déshumanisation. Reste à savoir où cela va nous conduire au final? Où cela va se terminer? Il y a quelque chose de l’ordre du renoncement dans notre rapport actuel à Mayotte, alors même que notre vie toute entière en dépend», déclarait le dramaturge et chanteur, Soeuf Elbawi, dans notre avant-dernière livraison à l’occasion de la sortie de son album Le Blues des sourds-muets.