«Mois de l’écrivain» initié par l’Alliance française de Moroni, Biheri Saïd Soilih, seule femme à y avoir été programmée, a présenté, vendredi dernier, son œuvre, Lettres du bangwe. A l’origine du livre des femmes de l’association Bora qui se retrouvaient dans un restaurant sénégalais de la capitale française, Paris, pour libérer la parole en mettant des mots sur leurs «douleurs, souvenirs, amour et rapport au corps».
Une espèce d’exutoire qui, à en croire l’auteure, se propose d’aller à contre-courant de ces caricatures collées aux femmes, parfois même, dès leur plus jeune âge. «J’ai appris à connaitre les multiples facettes de ma communauté. Depuis que je suis née, j’entends que la femme comorienne doit être si, doit être ça. Sans que je me reconnaisse dans cette moule. Bangwe la wandruwashe* a donc permis à des femmes de se redécouvrir, en jouissant d’un espace où elles ont pu extérioriser ce qu’elles n’avaient pas l’habitude de faire avant», précise Biheri Saïd Soilih. Sans doute qu’aux premières lueurs de l’aventure Bora, nul n’avait imaginé que ces témoignages qui, initialement, «ne devaient pas sortir de ce restaurant», allaient côtoyer les rivages de la littérature.
Le déclic
Dans leurs rencontres, les femmes de l’association Bora se seraient accordées sur un préalable : ne pas couper la parole aux intervenantes. Cela a fait que les rencontres devenaient de plus en plus longues et, une en particulier, qui aura duré sept heures a donné à Biheri Saïd Soilih l’envie d’immortaliser ces moments. Et quoi de plus approprié que la littérature!«On s’est demandé comment on pourrait saisir cet instant. On a décidé d’emprunter la voie du livre. Un format magique. Qui défie le temps et l’espace», se rappelle, joviale, Biheri Saïd Soilih qui tout en se disant «heureuse» de porter la voix de ces femmes, se refuse au costume d’»auteure» et se voit plutôt comme une «co-auteure». Sous cette formule, «les 48 lettres qui composent le livre sont signées par 35 femmes» qui brisent le plafond de verre contre la société les soumet, en prenant le contre-pied des principes du bangwe, cet espace qui, aux Comores, est accessible uniquement aux hommes. Par ailleurs, Biheri Saïd Soilih a opté pour l’autoédition pour ne pas se «déposséder» de sa responsabilité, mais surtout, pour que l’ouvrage reflète, le mieux possible, les témoignages de ces femmes qui, le plus souvent, «étaient pleins de tristesse» du fait du «désamour culturel» qu’elles ont éprouvé au fil des années.
Pour Biheri Saïd Soilih, Lettres du bangwe constitue une «balade dans la journée d’une femme». Le premier chapitre s’ouvre sur un poème et se nomme l’aube qui symboliserait «les nouvelles pages», le deuxième, le jour, représenterait «la dénonciation jadis tabou des injustices, mais également le chaos et les combats», le troisième chapitre, le crépuscule représente «les points finaux, les choses qui se terminent ou encore le deuil» et enfin, la nuit, le dernier chapitre qui enveloppe «les histoires qui se racontent en chuchotant, les confessions».En outre, les Lettres du bangwe se faufilent jusque dans le cocon familial, et les rapports entre les filles et les parents qui, parfois, érigent une chape de plomb sur leurs progénitures.