Le 21 octobre 2023, le rappeur, Rdjb, a semé une nouvelle graine dans le rap comorien avec son nouvel album, Msahazi. Disponible sur audimack, l’opus de vingt titres nous fait découvrir un lyriciste à la plume qui n’a pas froid aux yeux tant il distribue les cartons rouges à volonté aux problèmes sociaux et pointe du doigt, sans détour, ceux qui en seraient à l’origine.
Tout juste au troisième morceau, Msindiho – en featuring avec Bil wiz, on assiste à un échange d’une franchise rarissime. Diplômé depuis des années, Bil Wiz plongé dans le chômage et le désespoir depuis des années et tend la main à son frère Rdjb qui, lui, vit en France. Comme bon nombre de jeunes, le voilà contraint de quitter le pays, faire le choix d’un parcours toujours incertain à la recherche d’un eldorado encore plus difficile à attendre. Une scène quasi quotidienne aux Comores et dans un grand nombre de contrées en Afrique. Mais, le plus dramatique encore c’est quand Rdjb accepte de lui envoyer l’argent pour le voyage mais lui interdit à de lui apprendre quand il va prendre l’embarcation de fortune.
Cortège de désolation, silence de mort
Malgré les diplômes, le chômage pousse, régulièrement, des jeunes Africains à prendre le chemin meurtrier de la mer dans l’espoir de lendemains qui chantent. Un véritable désastre qui, pourtant, ne semble inquiéter grand monde plus que ça, malgré son cortège de désolation et de morts. En terres comoriennes, c’est encore pire quand on sait qu’en plus de partir mourir en mère pour rejoindre l’»Occident», les jeunes meurent également en essayant de joindre ou de transiter par une partie de leur propre territoire sous occupation étrangère.
Dans un enchainement sans répit les morceaux de Msahazi poussent à réfléchir, se suivent, se ressemblent, se complètent et tentent parfois, de proposer d’autres alternatives. C’est ainsi, que dans Riliwa ne manga (Litt = «Nous sommes avalés par l’étranger»), Rdjb appelle la diaspora comorienne à retourner investir aux pays. Il pointe également du doigt la France accusée de favoriser la fuite des cerveaux.Mais la question reste de savoir ce que fait l’Etat comorien pour inciter la diaspora à venir, effectivement, investir en masse dans leur pays d’origine. Ou bien encore, comment retenir le peu qui reste?
«Ngamdjuho natsahe eshahangu,
Ntsuhandza mdru yanirume,
Ngasi wendji riliwa n’emanga,
Edua rawomba itsirile
Owakantsi hula wakantsi warilinde,
Narirenge eshorenga risezatru
Guruweti rasindihe
Tsidjohandza niredjeyi iho nalaya
Sha hari Mfarantsa haharaya
Ngwandzo ribakishe hunu ridomwangalilia zengaya
Nguzingaro emiri yemema
Sha ngudjoredjeza yemagaya», affirme-t-il avec Riliwa ne manga.
Par ailleurs, comme une Lettre ouverte aux Républiques, Radjab cherche à attirer l’attention sur ces «vérités» trop dures à entendre aussi bien pour les dirigeants des pays que pour leurs «anciennes» puissances coloniales qui continueraient à asphyxier les peuples du Sud.
Une «Lettre ouverte»
Dans son onzième morceau, Wendzahakamu, Radjab semble persuadé que l’Afrique va, «enfin» ouvrir les yeux face à ses «ennemis» que sont, semble-t-il persuadé, ces anciennes puissances coloniales et leur politique à l’égard des pays. Ici, il tire à boulets rouges sur cette amitié entre le Nord et Sud qui, «en réalité», serait régie par la «règle du pillage à ciel ouvert de l’Afrique par l’Occident».Aux côtés des textes engagés qui composent Msahazi, Radjab laisse de place à la danse, à la joie de vivre, à l’épanouissement et la préservation de la culture comorienne, notamment avec Mavazi et Masowo.
Rayad, la relève est assurée?
Avec un peu d’egotrip, d’afro et de twarab, entre autres, l’album fait plutôt bien bouger malgré la douleur enfouie dans la puissance des mots, la profondeur des engagements et les messages sans concession. C’est ainsi qu’avec Maman, en featuring avec Titi Le Fourbe, ils font appel à l’amour pour chanter la mère, cet être qui «donne vit, élève et protège sans relâche».
«Mama, Kapvana mama wapvili,
Mana kadjadiwaza ouhuamini
Bayikwe ngohuzo bange kanahwamini,
Wehomo redjeyi yemasihu yekakaya makini,
Wutsikiri waKomori wauhadaya
Mi ndola mnayimwana wazaya
Mitsi mdru wauhuvundza tamaya,
Nkando nbili ratembeye Maka
Nadhiri tsiyeha raha redjafa,
Huni kaza anridhi, sha elidjulwawo titi,
Yepvenge samahani bayinu ndedamu mbitsi
No wushababi,
Ngaridjouwadi raha redjabadili», assurent-ils.
Pour ce nouvel album, Rdjb a mis les douchées doubles en matière de featuring. On y trouve les artistes à textes les plus convoités du moment tels que Awax Victorious, Aydii, Bil Wiz et Titi le Fourbe. Mais aussi les voix de Ibou Black, Smito ou encore le fils de Rdjb, Rayad. Celui-là même qui vient de remporter le prix de la Révélation masculine aux Comores music Awards 2023. A juste 10 ans, s’il vous plait!