Une pierre après l’autre, le palais Gerazani à l’instar de la majorité des éléments du patrimoine matériel historiques des Comores, tombe et se perd dans l’histoire de ce pays où la préservation des valeurs ancestrales ne semble plus intésser grand monde. Aujourd’hui, on ne peut que faire le constat des décombres de cet édifice bâti au XVIIIè siècle, précisément en 1793, à Itsandra au centre de l’île de Ngazidja, dans cette ville où les monuments continuent à raconter l’histoire d’un pays qui semble plongé dans l’amnésie, et qui regarde, dans l’indifférence, s’enfouir les dernières traces de son passage dans l’histoire des hommes.
Non loin de la station-service d’Itsandra, à côté du marché, s’érige un rempart avec un seul portail qui mène vers le «Gere» ou «Gerezani». D’ici, il faut traverser une allée d’environ cent cinquante mètres de long, faite de dalles de pierres et d’une cinquantaine de marches. Au milieu de cette allée jadis infranchissable, le ngome (Muraille de protection) a été éventré pour… offrir un passage. Cela avait créé une grosse polémique, mais, sans plus.Avant d’atteindre le célèbre palais, le visiteur est figé, fasciné par l’ingéniosité de la construction de ces remparts qui, des siècles durant, se sont évertué à faire face, seuls, aux attaques de la nature et à la brutalité de l’Homme.
Tuer la Culture et les traditions
«Les civilisations antiques représentent une grande richesse surtout pour un petit pays comme le nôtre. Si on veut pouvoir soutenir l’économie, on doit préserver nos patrimoines antiques qui sont prisés par les touristes étrangers. Nous aurions beaucoup à gagner avec la préservation de patrimoines bâtis, tels que le palais Gerezani. C’est une grande source d’entrée de devises étrangères», tente de convaincre le guide et enseignant d’histoire, El-Amine Moubine, avant que son collègue à la Maison de l’écotourisme, Ansoir Mohamed, ne martèle : «laisser le palais Gerezani tomber en ruines revient à tuer notre Culture, nos traditions».
Construit en hauteur pour prévenir les razzias malgaches auxquels ont dû affronter, durant de longues années, les Comores, le palais Gerezani abrite deux tours de vigie qui donnent sur la mer et sur une partie de la médina, de deux prisons situées de part et d’autre de la chambre du sultan, de deux couloirs et d’une salle de conseil. Désormais, tout est abandonné à l’assaut des mauvaises herbes qui ne se privent pas de tout détruire sur leur passage.Soucieuse de cette grave destruction, l’association Twamaya d’Itsandra, avec le soutien de l’ambassade de France aux Comores, a restauré quelques murs du palais et du ngome. Malheureusement, ces travaux non pas suivi les règles de réhabilitation en matière de monuments historiques. Au lieu de recourir à de la chaux, l’on s’est contenté de ciment. Un problème certain pour ce moment qui fait partie du dossier des éléments comoriens à inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco.
Du patrimoine pas de grands hôtels…
«C’est vraiment regrettable. Le monument a, ainsi, perdu de son authenticité voire faire un pied de nez à l’histoire. Restaurer à l’aide de chaux lui aurait permis de garder son originalité. Toutefois, c’est mieux que rien car si aujourd’hui, il a perdu en qualité mais au moins ces mur son encore debout en attendant d’avoir suffisamment de moyens pour mener les travaux pharaoniques appropriés», réagit le guide touristique, El-Amine Moubine, qui, cependant, «espère qu’il n’y aura pas de soucis» par rapport à son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco.Interroger le passé pour mieux comprendre et construire l’avenir, reste une démarche qu’il faudrait intégrer dans la pensée de tous et enseigner, dès l’école primaire, pour permettre aux plus jeunes de connaitre l’histoire de leur aïeux.
Comme s’est laissé convaincre le guide touristique, Ansoir Mohamed, «le développement du tourisme aux Comores requiert la réhabilitation des sites historiques et autres monuments, bien plus que la construction d’hôtels de plusieurs étoiles. Les étrangers viennent à la découverte de patrimoines matériels et immatériels et non pour de grandes maisons et hôtels qu’ils peuvent, sans doute, voir et avoir ailleurs autant qu’ils veulent. Il est vraiment grand temps qu’on intègre cette vérité que le développement du tourisme dans le pays ne peut passer que par la préservation de nos patrimoines matériels et immatériels», devait-il conclure.