Vous accordez toujours une place importante à la question de Mayotte pendant le Fuka Fest…
Abdallah Issouf Mahamoud** : … C’est l’occasion pour nous de parler de ce problème qui nous concerne toutes et tous et dont on doit oser en parler. C’est seulement ainsi que nous pouvons espérer lui trouver une solution. Il n’y a pas meilleur moyen que le Fuka Fest pour remettre la question sur la table.
C’est le moment pour nous, les jeunes et ceux qui nous encadrent, de nous assoir et réfléchir aux meilleures solutions car on ne peut pas croiser les bras et espérer que la question de Mayotte se règle toute seule. On ne peut pas laisser mourir nos sœurs, frères, mères et pères dans le bras de mer entre Ndzuani et Mayotte sans dire un mot.Des choses à dire nous en avons beaucoup. Mais comment le dire et comment réagir? On trouvera des solutions si on s’assoit ensemble et on en parle. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas faire d’une telle question, un sujet tabou.
Que pensez-vous précisément du Visa Balladur et ses conséquences?
Hakim Mohamed*** : C’est la pire chose qui soit arrivée aux Comores. Il nous dénie de notre droit le plus élémentaire qui est celui de circuler librement chez nous. Depuis quand un Français a-t-il besoin d’un visa pour aller de Paris à Marseille?Ce visa suicidaire est juste absurde. Aujourd’hui, des parents sont chassés de Mayotte, obligés d’abandonner leurs enfants sans personne pour s’en occuper. Que deviennent ces enfants? Tout le monde le sait.
En outre, ce dispositif illégal et ses milliers de morts cause un traumatisme très profond chez tous les comoriens. Aujourd’hui chaque famille a perdu un proche ou un ami dans ce cimetière installé par la France dans notre mer.Sans suivi psychologique et sans jamais en parler, les Comoriens en soufrent et n’en guérissent pas. Ce n’est pas tout, ils voient disparaitre petit à petit les liens qui les unissent avec l’île sœur notamment la langue. C’est vraiment regrettable.
Qu’est-ce que vous espérez tirer du recueil de témoignages sur les victimes du Visa Ballar?
Asma Abdallah Houmadi**** : En fait, pour nous, recueillir ces témoignages, c’est permettre aux gens d’en parler pour espérer faire le deuil et trouver des solutions. En premier lieu, nous avons voulu savoir ce qui se passe exactement pendant ces traversées. La Question de Mayotte et ses milliers de morts touchent toutes les Comoriennes et tous les Comoriens mais chacun préfère rester dans son coin et en souffrir seul. Ça ne doit pas se passer ainsi dans la mesure où c’est un problème collectif. On doit s’unir car, comme dit l’adage, l’union fait la force.
Nous avons trouvé judicieux d’écrire les témoignages des survivants et de ceux qui ont perdu des proches dans ce désastre, afin de pouvoir donner des noms et des visages à nos morts. Cela va, également, permettre aux générations futures de connaitre ceux qui nous ont quittés. Plus on écrit ces témoignage, plus les gens vont prendre conscience de la nécessité de trouver une solution pour arrêter ce massacre.
Des solutions pour se réveiller de ce cauchemar du bras de mer entre Ndzuani et Maore…
Aicham Ahamada et et Anssoufouddine Chaima Rabezafy : ***** : … Oui, car c’est loin d’être normal d’entendre quotidiennement nos proches mourir juste en voulant se rendre chez eux. A notre niveau au club Soirhane, nous en parlerons encore et encore pour que les gens deviennent sensibles à cette question.
En amont, il doit y avoir un travail d’acceptation entre les trois îles et leur sœur Mayotte car on connait l’animosité née de cette séparation artificielle et la première des solutions c’est la suppression pure et simple du Visa Balladur, mais nous sommes conscients qu’il faut du temps.Alors, de notre part, nous allons continuer à recueillir des témoignages sur les victimes dans l’espoir que cela va aider à prendre véritablement conscience de ce qui nous arrive entant que peuple et entant que pays.