Le professeur Rémi Tchokothe a animé une rencontre littéraire au campus universitaire de Patsi, hier lundi 18 octobre, accompagné du poète, Saindoune Ben Ali. Il y a présenté son ouvrage Entré en tant que cousin, sorti en tant que gendarme. L’auteur camerounais relève le «paradoxe identitaire» aux Comores et le drame «migratoire» qui s’est installé dans l’archipel depuis l’instauration arbitraire du Visa-Balladur en 1995.
Cet ouvrage est né après le réveille d’auteurs comoriens qui se sont insurgés contre un colloque à Mayotte en 2015 sur le thème «La littérature francophone de Mayotte, des Comores et du sud-ouest de l’Océan Indien : production et réception».
Des morts par milliers
«Il n’existe qu’une littérature des Comores. C’est ce qui a poussé notre ami, Rémi, à réfléchir sur ce qui se passe dans notre archipel. Ce qui l’a emmené à écrire ce livre né d’un désaccord. C’est l’histoire, la culture et la mémoire collective qui font la littérature d’un pays. En ce sens, il ne peut pas y avoir une littérature de Mayotte, une de Ngazidja, une de Mwali et une autre de Ndzuani. Il y a une littérature comorienne car ces îles partagent ensemble les mêmes valeurs culturelles et historiques, entre autres», a tenu à rappeler à cette occasion l’auteur Saindoune Ben Ali.
Entré en tant que cousin, sorti en tant que gendarme est, pour l’auteur camerounais, une thérapie, sa part de partage de la douleur face à cette question de Mayotte et du Visa Balladur qui a causé et continue à causer des morts de Comoriens par milliers.
Face aux étudiants de Patsi, Rémi Armand est revenu, notamment, sur la question du référendum organisé par la France en 1974 sur l’indépendance des Comores. Bien que les Comores aient voté pour l’indépendance, la France a arraché illégalement Mayotte de son giron naturel et légal et continue à l’occuper près de cinquante ans après l’accession du pays à l’indépendance.
«La rencontre des enfants nés à Mayotte après l’indépendance et ceux nés dans les autres îles à cette même date est aujourd’hui à recréer, ce qui est difficile. Il y a une structuration mentale entre les deux, nous ne faisons que nommer les problèmes pour faire prendre conscience, pour réduire la profondeur de la blessure. Ce n’est pas facile. Aujourd’hui, on ne peut pas faire revenir Mayotte sans ce travail de recréation de rencontres entre les deux», estime Saindoune Ben Ali.
Rémi Tchokothe pose également la question de la langue. Aujourd’hui, encore des pays africains continuent d’apprendre en milieu scolaire par des langues étrangères, ce qui présente un frein pour le développent de l’esprit. A l’Université des Comores, Rimbaud, Hugo, Camus et consorts continuent de faire la loi pendant que des oeuvres de brillants auteurs comoriens à l’instar de Soeuf Elbadawi ou encore Ali Zamir, moisissent sur les étagères.
«On a violé mon imaginaire depuis le primaire. J’ai reçu mon premier Prix sur un poème sur la neige. Qu’est-ce que j’en ai à foutre de la neige dans un pays ou jamais on ne l’a voit? C’est une colonisation de nos imaginaires. Nous sommes colonisés mentalement et au niveau de la langue», devait conclure Rémi Tchokothe.