C’est une réalité. Les plats traditionnels comoriens deviennent une denrée rare dans les restaurants. A Moroni, la capitale, retrouver la saveur et l’arôme d’un mhogo, un ndropvi yanazi, des délicieux tsambu de Mbeni, du fameux maele na madaba ou encore d’un mkatre wa gudugudu relève du parcours du combattant. Sur les tables, restaurateurs et clients font la part belle au steak, poulet fritte et autre pizza à leurs dépens.Jetez un coup d’oeil aux brunchs, consultez les menus des restaurants, des plus chics aux plus petites gargotes, et vous-vous rendrez compte à quel point la cuisine comorienne y est une espèce en voie de distinction.
Pour en trouver, il faut se transformer en chasseur de trésor. Si le chant comorien à tout perdu sauf la langue, la cuisine quant à elle – du moins dans les restaurants – n’aura pu garder, de l’avis de beaucoup de restaurateurs, que quelques-unes de ses épices.A Ngazidja, par exemple, il faut attendre la période des mashuhuli et ses festins monstres pour pouvoir en goûter, il est vrai, à satiété. Encore un patrimoine mal conservé et qui est, si l’on ne tire pas à temps la sonnette d’alarme, en voie de disparition.«J’aimerais bien avoir un plat comorien une fois au resto mais ce n’est pas facile. Célibataire résidant à Moroni et je n’ai pas le temps de me faire un peu de ndropvi ya nazi et les restos auxquels je suis habitué ne propose rien du genre. Notre identité culinaire se perd. Comment allons-nous rendre populaire notre cuisine si même les restos ne la valorisent pas», s’inquiète A. Nourdine.
Selon le cuisinier d’une gargote de Moroni, Fakri, si aujourd’hui les saveurs traditionnelles se font rares, c’est en partie à cause des clients qui se désintéressent. «Pour vendre, je m’adapte aux désirs des clients. C’est regrettable qu’on soit, à ce point, aliéné jusque dans nos assiettes», déplore-t-il.Heureusement qu’il y a la ville de Fomboni pour sauver la situation. Ici, clients locaux et touristes se hâtent de se délecter du nfi ya Hadzwa aujourd’hui identifié à l’île de Djumbe Fatima. Pourvu que cela fasse des émules dans les autres îles.Pendant que beaucoup de pays, comme le Sénégal et son thiébou dieune, se battent pour leur indenté culinaire, aux Comores, les restaurants ne semblent avoir d’yeux que pour les plats étrangers.«La cuisine fait partie intégrante du patrimoine culturel d’un pays. Il nous faut préserver la nôtre», s’écrient les filles de l’auteure comorienne, Mariama Mahamoud, dans avant-propos de son ouvrage intitulé «Cuisine des îles».