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Saifillah Ibrahim: «Au secours, notre littérature orale fout le camp!»

Saifillah Ibrahim: «Au secours, notre littérature orale fout le camp!»

Culture | -

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Passionné de littérature orale comorienne, le comédien Saifillah Ibrahim estime que cette “richesse” est en voie de disparition. Il se lance comme défi de la protéger et appelle la nouvelle génération à se joindre à ce combat.

 

La littérature orale est plombée partout en Afrique, de manière générale. Aux Comores, elle est tombée aux oubliettes au profit de la littérature occidentale massivement enseignée tout au long du cursus de l’enseignement, du préscolaire à l’université. Le comédien Saifillah Ibrahim, qui estime que cette “richesse culturelle” est en voie de disparition, se dit résolu à “se donner à fond pour sauver ce qui peut l’être”.


Depuis le collège, Saifillah s’est intéressé aux genres littéraires oraux comoriens. Dans ce sillage, il allait devenir le principal animateur de la Journée nationale “Mbae” Trambwe, du nom célèbre roi-poète comorien de la fin du dix-huitième et début dix-neuvième siècle, Trambwe wa Mlanao. Avec ses reprises de la poésie dite “érudite” des Mbaye Trambwe et autre Yipvesi Bungala, ou “populaire” tels que les nyadu, honko de Dafine Mmidjindze ou encore Mshinda Mtimbo, à Ngazidja, Saifillah a continué à mener sa campagne de sensibilisation, et s’est créé un public propre à lui.


Pendant qu’aux Comores nous ne mettons pas en valeur nos poètes, d’autres pays honorent les leurs et les font exister dans l’espace et dans le temps. Nos jeunes sont insensibles à cette évolution inquiétante de la littérature orale comorienne, mais, ce n’est peut-être pas entièrement de leur faute étant donné qu’elle n’est plus enseignée aux Comores si ce n’est en Lettres modernes françaises à l’université”, regrette le jeune orateur.
Saifillah Ibrahim est un touche-à-tout dans les genres littéraires comoriens traditionnels.

Porte-flambeau

A travers ses reprises et ses créations, il s’efforce de faire redécouvrir le nyandu, le nkoho, honko, le shinduwantsi et le djimbo, autant de genres que les plus jeunes ont totalement perdus de vue. A l’heure actuelle, il est devenu un des porte-flambeaux de cette lutte pour la sauvegarde et le développement de ce “riche patrimoine culturel”.
Désormais, il se produit dans les événements dédiés au développement de la Culture et au shiKomori. C’est ainsi qu’à l’occasion de la célébration de la dernière Journée de la langue maternelle, il a lu des extraits de Mshe Mhaza de Ipvesi Bungala : “Pvo pvaka mdzadze pvawalwa trindi, pvatsengwa mdrema pvawalwa trama / Pvawalwa na dzu na na ntsunuha, na minyaluki na samba manga / Ye wawe mdzadze le djanahanu / Pvadjiri salama ngamzihirwa”, devait-il déclamer, notamment.
Selon certains spécialistes du shiKomori, on descellerait, parfois, de fortes ressemblances entre les productions d’anciens orateurs comoriens et celles de certains pays étrangers.

“Aucune politique”

A ce propos, Abdérémane Saïd Mohamed Wadjih, dans un texte sur la culture comorienne, a insisté sur la ressemblance entre un poème de l’orateur comorien du XIXe siècle, Dafine Mmidjindze, et un texte du poète et courtisan Français du XVIème, Pierre de Ronsard. “Ils ont tous deux abordé le même thème et utilisé presque les mêmes expressions sur la fuite du temps”, selon lui.


Dans cette lancée, Saifillah Ibrahim déplore le fait que tout le monde ait “oublié Dafine Mmidjindze alors qu’il était un grand poète”. Il constate, amère, que les structures publiques dédiées à la Culture ne travaillent pas pour son développement et qu’aucune politique “n’a jamais été véritablement mise en œuvre pour y remédier”. Il faut savoir, cependant, que l’écrivain comorien, le regretté Salim Hatutou, avait l’habitude de faire les allers et retours entre la France et les Comores pour recueillir des oeuvres de la littérature orale, et s’efforçait de les faire revire de diverses manières. On se rappelle, à ce propos, de son recueil Les contes de ma grand-mère. Il était persuadé que c’est un moyen de les protéger pour qu’elles durent dans le temps sachant qu’aux Comores, elles ne sont pas suffisamment diffusées et que, pour l’essentiel, elles n’étaient “archivées” que dans la mémoire collective.

Mahdawi Ben Ali

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