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Slam-poésie / Nawiya et Intissam à la croisée des textes : «Mes bleus vous diront ma douleur»

Slam-poésie / Nawiya et Intissam à la croisée des textes : «Mes bleus vous diront ma douleur»

Culture | -   Dayar Salim Darkaoui

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«Mes bleus vous le diront» de Nawy M-shine (Bacar Nawiya), peut être considéré comme une illustration de «Ma douleur» d’Inti-slam (Intissam Dahilou). Les deux vidéos slam, sorties au début du mois, n’ont, pourtant, rien à voir l’une de l’autre. La première aborde la question de la violence conjugale et l’autre, les maux de la vie. Des thématiques qui peuvent être amenées, cependant, à se rencontrer.

 

Quand la femme trempe sa plume dans l’encre de ses larmes pour livrer le fond de son cœur, cela peut donner parfois lieu à des textes bouleversants. C’est ce que illustre les deux vidéos slam sorties en début de mois, «Mes bleus vous le diront» et «Ma douleur», signées des slameuses Bacar Nawiya et Intissam Dahilou. Les deux textes, en vrai, n’ont rien à voir l’un de l’autre. Mais le timing de leur sortie et les thématiques abordées incitent, inévitablement, à les rapprocher. L’on pourrait même dire que l’un ne peut aller sans l’autre. Les «bleus» dont se plaint l’une ne sont en effet que l’illustration de la «douleur» de l’autre.


«Mes bleus vous le diront» de Bacar Nawiya aborde la question de la violence conjugale. Dans la vidéo, en noir et blanc, on y voit la slameuse assise au seuil d’une maison déclamant les souffrances quotidiennes sensées être celles que la plupart des femmes battues taisent : «Tsi zi zweza, wunu mda, yinu tsi marahanda». A l’origine de cet acharnement, les plaintes de la femme face à l’infidélité de son mari, en dépit de toute les attentions que cette dernière lui voue : «Farudhui za mdrumshe ngamtekelezo, truru ne triya, ne mtriniya, naye kazirambuwa». Autant, donc, supporter et ne rien dire.


Mais ce que la bouche parvient à taire, le corps le crie au monde. «Mes bleus vous le diront, ils vous conteront les cinquante nuances de gris», s’exclame-t-elle d’une voix meurtrie. Ces maux, les femmes les taisent par peur, mais aussi, et souvent, par honte. «Ce n’était rien qu’un accident, j’ai dû cogner sur une porte ou je suis tombé du lit», sont parmi les raisons avancées pour justifier ces blessures et fractures qui «trahissent». A force, l’épouse finira par perdre l’enfant qu’elle porte. Les «bleus» de celle-ci, seuls vestiges de son malheur, ne sont que ceux d’«une femme parmi tant d’autres, victime de violence, prisonnière de son silence». «Ma douleur» d’Intissam Dahilou restitue quant à lui les maux de la vie. Le texte est fait d’interjections courtes, des plaintes comme celles, finalement, de l’épouse battue de Bacar Nawiya, laquelle est enfermée, pour reprendre le texte d’Intissam, «dans ce trou, cette faussée, où chaque bouffée est amère, où chaque poussée est douleur».

«Cri d’alarme»

La slameuse l’atteste d’ailleurs, ce texte exprime «une douleur d’abord personnelle, étant donné que c’est en elle que je puise souvent mon inspiration», mais également «la douleur de la société, des citoyens dont les regards sont marqués par la souffrance». En somme, dit-elle, c’est «un cri d’alarme de la douleur qui habite toute une société qui vit cela comme quelque chose de normale».


La particularité du texte d’Intissam Dahilou, comparé à celui de Bacar Nawiya, c’est qu’il est accompagné de musique. Si la mélodie rend parfaitement la tristesse des mots, ce n’est pas forcément le cas des images. L’on est en effet plus saisi, dans le clip, par la voix et le jeu de rôle de l’artiste que par les images en elles-mêmes. Tourné en fin de soirée, entre couchée de soleil et remous des vagues, le clip n’exprime pas forcément cette «douleur» qui ressort des mots et du gestuel de la slameuse. Une volonté peut-être de relever le contraste entre la douleur de la vie et la beauté de cette dernière. Cela d’autant plus qu’elle «veut vivre, survivre», clame la slameuse dans son texte, malgré le poids de la souffrance qui l’accable.


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