Nous sommes un peu surpris de votre séjour de trois jours aux Comores. Pourquoi cette visite éclair, dans une période où vous êtes si chargé professionnellement ?
À la base, je suis venu pour visiter l’hôpital de Mkazi. Nous l’avons équipé dernièrement en ambulance et autres fournitures de santé. Notre agenda nous offrait ces trois jours où, par une heureuse coïncidence, avait lieu la fête nationale de l’indépendance. J’ai pensé qu’il était important de montrer aux Comoriens que ce n’est pas parce qu’on habite en France qu’on oublie pour autant l’histoire de notre pays. Nous avons donc tout fait pour être au rendez-vous.
Parlez nous un peu de votre «Fondation Soprano». Quelles sont ses missions ?
Nous avons entrepris des actions un peu partout, dans les quartiers en France notamment. Nous intervenons surtout dans les hôpitaux, pour venir en aide aux enfants malades, que ce soit à Marseille ou dans d’autres villes. Pour ce qui est des Comores, le but était de mettre sur pied un projet ayant un rapport à la santé, particulièrement celle des enfants. Au tout début, nous avons essayé de construire une maternité… c’était un peu compliqué. Nous avions acheté le terrain, et entamé les travaux. Nous avions même commencé à réunir du matériel. Mais par la suite, nous nous sommes dit qu’il valait mieux que nous concentrions nos efforts sur un projet déjà existant et l’aider au fur et à mesure à se développer. Nous avons ainsi visité l’hôpital de Mkazi, celui de Moroni, qui est fermé. Et bien d’autres hôpitaux, également fermés.
Pourquoi spécialement à Mkazi ?
J’ai eu le déclic lorsque, l’année dernière, mon père a eu un accident. Il est tombé dans un puits et s’est fait très mal. Pour l’acheminer à l’hôpital, il a fallu l’intervention d’un camion. Je suis tombé de haut. En même temps, une personne, qui n’était pas au courant de mon histoire [«Allah est grand», jure-t-il], est venue me voir : «On a une ambulance qu’on va peut-être… Est-ce que…». «Oui», ai-je répondu, nous le prenons. Nous l’envoyons à l’hôpital de Mkazi pour secourir les habitants de la ville, au cas où un vieillard tombe ou un enfant se fait mal, au moins il y aurait une ambulance. Nous avons établi les contacts, associé le matériel prévu pour la maternité à l’ambulance, et avons envoyé. D’autres actions vont suivre. Nous comptons avant tout rénover l’hôpital, et une fois acquise l’expérience nécessaire, développer le projet dans d’autres hôpitaux aux Comores. Dans la mesure du possible. Insha’Allah !
Al-watwan vous a distingué en avril dernier parmi ses «Dix personnalités de l’année 2017». Que représente pour vous un tel prix ?
C’est une fierté. Je l’ai dit dans ma chanson «Mon Everest» : «I love you Massilia, I love you Comoria». Je l’ai chantée haut et fort. Déjà, à Marseille, nous les Comoriens, sommes très nombreux. Pour dire que nous vivons avec cette culture. Je porte en moi la culture comorienne. Elle est dans mes racines, dans mon Adn.
Et quand un quotidien du pays vous dit que vous êtes la fierté des Comores, que vous êtes une des personnalités de l’année, cela vous fait plaisir. Ça fait aussi plaisir à mes parents.
Cela fait onze ans depuis que vous avez entamé une carrière solo, avec au total cinq albums. Lequel vous a le plus marqué ?
«L’Everest» restera quand même le big. Parce que nous avons gravi l’Everest, nous avons rempli le stade Vélodrome. Jamais de ma vie, jamais je n’aurais pensé que nous allions réaliser un exploit pareil. 65.000 personnes ! Il n’y a que Johnny Halliday qui a réussi cela. Vous imaginez ? Je pense que ça restera toujours «L’Everest», même si dans le prochain album, nous avons prévu quelque chose de bien meilleur
Et quand on est arrivé au sommet de «L’Everest», que fait-on ?
On vole ! Puisqu’il n’y a plus de montagne à gravir , on ne peut que voler. Il faut voir encore plus loin. C’est pour cela que mon prochain album va s’appeler «Phénix». Cela veut dire que l’on renait tous les jours de ses cendres. Si un jour l’on a échoué, cela ne veut pas dire que ce sera forcement le cas le jour d’après. Tant que le soleil se lève, on peut toujours espérer faire mieux. On renait de ses cendres tous les jours. Je me suis dit, je vais appeler mon prochain album Phénix. Vu que j’ai déjà fait la Colombe, le Corbeau… J’ai déjà fait tous les oiseaux [éclat de rire général].
Le 16 mai 2018, vous avez été nommé Ambassadeur de l’Unicef. Confirmez-vous que cet engagement correspond à vos valeurs humaines. Et en quoi consiste exactement votre travail ?
Oui ! Je n’admets pas tous les projets. J’ai répondu favorablement à celui-là. Mon travail consiste à mettre en lumière les actions qui touchent les enfants. Cela peut être la maltraitance, la nutrition… Dans le monde entier, en Afrique surtout. Quand on bénéficie, comme moi, d’une grande notoriété, on donne une grosse visibilité aux projets. Nous en avons initié beaucoup. Et le fait que je sois ambassadeur a contribué à leurs éclosions. C’est dans pareils moments que l’on prend conscience que, oui, des fois il faut être célèbre. Pas pour être bling bling, mais pour pouvoir faire passer le message le plus loin possible.
En tant qu’ambassadeur de l’Unicef, est-ce que vous savez qu’ici les enfants handicapés n’ont pas forcément accès à l’école au même titre que les autres?
Nous avons, à ce propos, envoyé, cette année, deux émissaires aux Comores. Ils nous ont fait part d’un tabou concernant les femmes maltraitées. Tout de suite des voix hostiles se sont élevées. J’ai dit : «Non !» Ils nous ont aussi dressé un état des lieux des écoles voire de l’eau. Cela nous a particulièrement choqués. Il existe encore des villages aux Comores qui n’ont pas accès à l’eau. S’agissant des enfants handicapés, les gens doivent faire en sorte qu’ils aient autant droit à l’éducation que les autres. C’est une manière d’interpeler l’Unicef quant aux conditions des enfants handicapés.
Est-ce qu’on peut compter sur vous alors ?
Évidemment ! Si je suis là, c’est que je peux. Et si je peux, je le fais.
Recueillis par
Darkaoui Dayar Salim et Abdou Moutoifa