Qui se souvient encore du théâtre sur les thèmes dits «révolutionnaire et anti-impérialistes» et d’appel au «réveil des consciences» du mouvement «Msomo wa nyumeni» (litt.= Culture nouvelle»), du théâtre scolaire, des créations du dramaturge Soeuf El Badawi? Qui a encore en mémoire les temps florissants du début des années 2000 qui a vu émerger de nombreux jeunes comédiens sur la scène locale? Où sont passé les concours de théâtre du temps des compagnies «Djumbe», compagnie «Bahari», «Les Enfants du théâtre», Nombaba théâtre? Qu’en est-il des planchés du Cinéma Al-Camar qui, à Moroni, avaient accueilli bien de créations qui faisaient le bonheur de publics plutôt conquis?
Aussi longtemps qu’on puisse remonter, le théâtre a toujours fait partie des genres artistiques les plus prisés aux Comores. Il a vu défiler différentes périodes sans, pour autant, dépendre ou encore revendiquer une étiquette professionnelle.
Aujourd’hui, les initiatives qui laissaient prévoir une lumière au bout du tunnel se font rares. Une chute libre amère pour un genre artistique qui s’était imposé depuis le temps colonial voir même, sous diverses formes, avant, selon certains.
Et pourtant…
Une chose est sure : dans les années 1970, le mouvement politico-culturel d’obédience «marxiste-léniniste» et «Maoïste» dit «Msomo wa nyumeni, avait fait de ce genre artistique un instrument majeur dans son combat «anticolonialiste et anti-impérialiste». De même, sous le «Mongozi» (le Guide) Ali Swalihi Mtsashiwa, le régime révolutionnaire y avait massivement recouru dans son objectif, clairement affiché, de lutter contre certaines mentalités et activités dites du «Milanantsi ugangi» (= féodales) entre août 1975 et mars 1978.
Au début des années 2000, en théâtre comme en musique, la scène artistique a vu naître une génération qui semblait être à la hauteur de porter leur art sur le devant de la scène. Malheureusement, comme on dit : «Omdro uvuwu, uzimiha». Le comédien et metteur en scène professionnel, Soumette Ahmed, n’arrive pas à expliquer les raisons de cette «disparition» de la scène théâtrale. Il se souvient encore, cependant, que c’est à l’occasion d’un concours de théâtre scolaire qu’on lui avait proposé de jouer pour la troupe «Les Jeunes colombes» : «C’était un concours plutôt bien organisé et les salles étaient tout le temps pleines. Et, aujourd’hui, me voici devenu comédien et metteur en scène professionnel. C’est vraiment dommage qu’il n’y est plus ces genres d’initiatives. On n’a pas avancé, on ne s’est pas amélioré. J’ai l’impression qu’on est resté figé et tout est perdu», regrette-t-il.
«Bon vieux temps?»
Celui qui est président du Centre de créations artistiques et culturelles des Comores, le Ccac-Mavuna, avait lancé un projet de théâtre national en 2005 avec ses amis comédiens, Faisoil et Mounir. Mais là encore, cette initiative, qui devait servir à faire rayonner le secteur tant sur le plan national qu’international, a fait long feu.
«La scène théâtrale comorienne a connu des moments très vivants, riches en énergie créative et pour ce qui est de l’intérêt du public. Quand j’étais encore élève, le théâtre faisait partie intégrante de la vie scolaire : à chaque fin d’année, les élèves préparaient des pièces durant tout le troisième trimestre pour une présentation à la «Fête de l’école», se remémore la chargée de communication à l’Alliance française de Moroni, Hafsoi Salim qui se «rappelle», également, de la «véritable dynamique» vécue dans les quartiers avec des troupes issues des associations culturelles locales qui se produisaient à Al Camar, à l’Afm ou sur les places publiques. «Ces représentations attiraient beaucoup de monde et faisaient partie du quotidien culturel», devait-elle assurer.
Malheureusement, ces dernières années, les représentations théâtrales sont devenues rares. Et pourtant, le public, lui, semble être toujours là. On l’a bien vu, par exemple, avec la pièce Radjadji Boto de Moussa Saïd, jouée à guichet fermé sur deux présentations tenues le même mois devant un public qui a semblé toujours conquis.«Récemment, nous avons mené un petit sondage pour connaître les besoins de notre public en matière d’événements culturels. Le théâtre est arrivé en deuxième position, juste après les concerts de musique. Cela prouve que l’intérêt est bien réel. Le public du théâtre est là mais aujourd’hui, c’est le théâtre qui manque à l’appel», croit Hafsoi Salim.
Pour de «nouvelles résolutions»
Des solutions pour retrouver cet «âge d’or»? Selon le président du Centre de création artistique des Comores, malgré ces «dures réalités», rien n’est encore perdu.«Tout peut renaître avec de l’intelligence et une volonté de faire de la part de l’autorité publique et des divers acteurs du secteur des arts et de la Culture, et de la jeunesse. Je suis persuadé que plus il y a des choses proposées et plus les associations des villages, les écoles, les troupes de théâtre se mobiliseront. Dans le cas contraire, tout peut finir par s’éteindre comme une bougie qui se consume. Si on n’allume pas une autre, la lumière s’éteindra à jamais. Il nous faut une bonne réflexion et des résolutions fermes pour espérer tout faire renaître», semble convaincu Soumette Ahmedn