Qui aurait pu, en juin 2014, lors de la présentation de “Wutama Hip hop”, consacrant le lancement officiel de Tche-Za, parier pour un si grand succès en si peu de temps? En tout cas pas les précurseurs de la compagnie qui planchaient plutôt, dans leur plan quinquennal, pour un premier festival de danses urbaine et contemporaine seulement en… 2018. «Nous avons eu beaucoup de chance», lance Youssouf Abdoul-Madjid, administrateur et chargé de production de la compagnie, au moment de revenir sur une «très belle année» 2018 qui aura vu Tche-Za boucler la deuxième édition du festival “Ntso uzine”.
L’année démarre en trombe, avec la série urbaine Shababi project, produite par Women Act Now et chorégraphiée par Salim Mze Hamadi dit Big Seush, et à laquelle les artistes de Tche-Za ont participé comme acteurs. La série se veut être, résume notre interlocuteur, «un plaidoyer pour la jeunesse contre les maux de la société notamment les abus sexuels». Deux cent cinquante cinq cas d’abus et de maltraitances contre les enfants et les femmes ont été recensés en 2018, rien que par la Cellule d’écoute de Ngazidja. «Un chiffre jamais atteint jusqu’ici», si l’on veut signifier l’importance d’une telle thématique. Ce n’est pas pour rien que Shababi project s’est vu attribuer, le 16 octobre 2018, le Prix outre-mer aux Urban films festival à Paris.
Partie pour participer à la cinquième édition du Festival Trax, à Saint-Etienne en France, Tche-Za n’a pas pu finalement s’y rendre à cause de la crise des visas qui faisait alors rage entre les Comores et la France. Elle avait pourtant fait le plus dur en réussissant à se glisser dans les quatre compagnies sélectionnées, sur cent-cinquante candidatures, pour quatre grands festivals en France. Mais ce n’était que partie remise.
Du 1er au 4 novembre, la compagnie s’attèle à l’organisation de la deuxième édition du festival “Ntso uzine”, couplé du battle national “Ye mze ndo”. «C’est l’événement culturel qui a réuni le plus de monde en 2018», se réjouissait Big Seush. Entre novembre et décembre, Tche-Za entame une tournée dans l’Océan, avec la pièce KreuZ, programmé aux festivals Sagam à Maurice et Mitsaka à Madagascar. «KreuZ a eu un franc succès», affirme Youssouf Abdoul-Madjid. Un peu moins pour ce qui est de Mon mur jouée, le 14 novembre à Montpellier, à l’occasion des rencontres Hip hop en création. «Nous avons eu de bons retours. C’était plus une présentation de maquette. Nous espérons être programmés prochainement en salle», relativise-t-il.
Envergure internationale
La pièce Soyons fous est, elle, déjà programmée à Paris, les 19 et 20 janvier, pour la vingt-septième édition du festival Suresnes cités danses. N’ayant pas pu être jouée à La Réunion en novembre dernier à cause du mouvement des gilets jaunes, KreuZ y a été reprogrammée en mars prochain. Entretemps, en février, Tche-Za entamera une tournée scolaire à Mayotte avec Lecture dansée sur des contes de l’écrivain comorien, feu Salim Hatubou.
Si la compagnie a réussi, dès cette année, à prendre une envergure internationale, «2019 promet un peu plus d’ampleur», assure Youssouf Abdoul-Madjid. Ce dernier se montre surtout satisfait d’avoir «réussi à redonner espoir à des jeunes qui ont abandonné l’école très tôt et qui, aujourd’hui, sont reconnus comme professionnels», jusqu’à vivre de leur art.
Au-delà de la danse, Tche-Za n’hésite pas à se lancer dans des actions humanitaires. Fin décembre, elle s’est distinguée en lançant une cagnotte solidaire au profit du danseur malentendant Adold Saïd, pour lui permettre de se pourvoir d’un appareil auditif. De quoi clôturer l’année 2018 en beauté, et d’entamer la nouvelle avec l’ambition de réussir le grand pari de l’ouverture à l’international.