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Théâtre. «Ports–traits» I Des voix adolescentes tracent des ponts entre les rives

Théâtre. «Ports–traits» I Des voix adolescentes tracent des ponts entre les rives

Culture | -   Mahdawi Ben Ali

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Aux Comores, en France et au Sénégal, des histoires de vie croisées interrogent l’identité, les préjugés et la rencontre, et esquissent les contours d’une création attendue en 2026

 

Les adolescents de l’Ong Imara ont livré au public une première présentation de «Ports–traits», le samedi 27 décembre au Centre d’Animation socioculturelle de Moroni Mtsangani (Casm). Il s’est agi d’un spectacle de théâtre documentaire encore en cours d’écriture, prolongé par un échange ouvert avec les spectateurs. Une première traversée pour un projet au long souffle où la parole des jeunes se fait matière vivante et mémoire en devenir.Porté par les Ong Imara-Comoros et Perseïden (Marseille), ce projet artistique s’inscrit dans une temporalité longue, déployée sur quatre années de recherche et de création. A l’horizon fin 2026, il devra donner naissance à un spectacle de théâtre documentaire conçu avec des adolescents des trois pays que sont les Comores, le Sénégal et la France.


Oeuvre collective se construit à partir de leurs récits intimes et sociaux, de leur présence singulière sur scène, mais aussi de matériaux audiovisuels recueillis in situ, au plus près de leurs réalités. L’écriture se fait à hauteur de jeunesse, dans un va-et-vient constant entre paroles vécues, images du quotidien et mise en scène du réel.
Du 15 au 27 décembre 2025, les équipes artistiques et les jeunes participants se sont retrouvés à Moroni pour une période intensive de répétitions qui ont transformé le Casm en un véritable laboratoire de création. A travers des projections et des échanges à distance, les enfants de Marseille et du Sénégal ont partagé leurs histoires avec ceux des Comores, croisant récits de vie et regards sur le monde.Cette expérience, extraordinairement enrichissante, a permis à chacun de mieux appréhender la réalité de l’autre et de confronter ses propres représentations.Ce sont leurs trajectoires que le spectacle choisit de porter sur scène. Celles des adolescents de la localité de Vuvuni, celles de jeunes Marseillaises d’origine syrienne dont les parcours se sont construits au rythme de déplacements successifs, et celles de jeunes sénégalais en situation de handicap auditif.

Faire tomber les murs

Mises en dialogue, ces histoires dessinent des portraits sensibles de leurs territoires et de leurs quotidiens. Elles racontent la rencontre, les liens visibles et invisibles qui se tissent entre les trois pays autant qu’elles interrogent sur la notion d’altérité, ce qui les distingue, autant qu’il les relie.
Le spectacle a, notamment, ouvert un espace de réflexion sur les préjugés. Certains jeunes comoriens imaginaient leurs homologues marseillais uniquement à travers le prisme de la délinquance, tandis que ces derniers percevaient parfois les Comores comme un territoire réduit à la pauvreté. De ces confrontations est né un déplacement des regards. Peu à peu, les visions ont changé, laissant place à une vision de l’autre plus nuancée, plus humaine. Une fois encore, le théâtre fait tomber les murs.

 

Du 15 au 27 décembre 2025, les équipes artistiques et les jeunes participants se sont retrouvés à Moroni pour une période intensive de répétitions qui ont transformé le Casm en un véritable laboratoire de création. A travers des projections et des échanges à distance, les enfants de Marseille et du Sénégal ont partagé leurs histoires avec ceux des Comores, croisant récits de vie et regards sur le monde.


Pour beaucoup de ces jeunes, c’était leur première sur une scène, la découverte du théâtre comme espace d’expression et de courage : «je suis venu au théâtre pour essayer de vaincre ma peur», ont confié plusieurs participants. Le trac est là, la crainte d’oublier le texte aussi. Mais certaines présences s’imposent déjà. Hachmia, élève de troisième à Vuvuni, passionnée de théâtre, dégage une assurance remarquable en habitant la scène avec justesse. «J’ai toujours rêvé de faire du théâtre. Je n’avais pas de stress, le soir je ne pensais qu’à une question, comment briller sur scène», a-t-elle fait savoir.Dans la salle, l’émotion était palpable. Le public, touché, a encouragé ces voix naissantes qui osent raconter le monde. Le voyage, lui, ne fait que commencer. La création finale est attendue à Marseille, en France, en septembre 2026, aux Comores en décembre 2026, puis au Sénégal en 2027.D’ici là, Ports–traits continuera d’écrire ses routes. Des routes de mots, de mémoires et de rencontres. Entre les rives et les êtres.

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