Tous ceux qui ont assisté, dans la nuit du jeudi 20 septembre, au Centre de création artistique et culturelle des Comores (Ccac-Mavuna), à la cérémonie d’ouverture du festival «Slamer un pied sur la lune», ont pu plus ou moins se faire une idée de l’orientation donnée à cette deuxième édition. Outre les discours habituels des promoteurs de l’événement, l’association Sakara et le Ccac-Mavuna, les spectateurs ont, en effet, pu assister à quelques prestations artistiques – mélange de musique, de slam-poésies et d’arts oratoires comoriens – présentées par des artistes aussi bien locaux qu’étrangers.
«Je voudrais saluer les efforts de l’association Sakara pour avoir travaillé d’arrache-pied pour l’organisation de cette deuxième édition du festival qui s’inscrit maintenant dans la continuité», devait lancer, d’emblée, le président du Ccac-Mavuna, soumette Ahmed, accueillant artistes et spectateurs dans son repaire.
Un repaire qu’il voudrait, cinq ans après son ouverture, voir enfin bénéficier de l’accompagnement qui lui est dû pour «permettre à la jeunesse de s’épanouir, de s’exprimer et de réfléchir». «Il faut qu’on ait des personnes dynamiques, désireuses de faire avancer les choses ou en tout cas d’y travailler sérieusement», faisant allusion au laisser-aller du ministère et direction de la culture.
Un rêve devenu réalité
C’était, peut-on dire, le seul discours en tant que tel de la cérémonie, puisque c’est en slam que la présidente de Sakara, Salim Saïd Ali Fatima, a choisi de lancer cette deuxième édition. «Slamer un pied sur la lune c’était un rêve, une utopie d’artistes qui voulaient se faire entendre, qui voulaient dire sans avoir à chanter, qui voulaient s’exprimer sans avoir à se cacher», dit-elle en flash-back avant de se réjouir de voir ce rêve devenir «une réalité, une concrétisation d’artistes qui prônent plus la lyrique que la rythmique, qui déclament sans état d’âme ce que l’on murmure tout bas». Elle soulignera dans ce slam qui restitue, en somme, le chemin parcouru et l’intérêt du festival, «l’amitié unissant les artistes comoriens, malgaches, camerounais, français sous une même bannière : le slam, sous un même archipel : les îles de la lune».
La cérémonie se poursuivra en musique, l’artiste comorien Maalesh à la guitare. Ce dernier partagera «[ses] rêves» à travers «Masiwa mane» (titre qui chante la beauté des îles de la lune) avant de céder la place «aux jeunes et à leurs rêves».
«La paix de la colombe»
Ce rêve, tel qu’il est ressorti du slam-musical des slameuses malgaches Joey Aresoa et Leslie Jen, deux des quatre artistes invités, est de voir la condition de la femme s’améliorer, que celle-ci puisse recouvrer totalement sa liberté. «Uterocratie!», clament-elles. Et à la veille de la Journée mondiale de la paix, la première artiste citée, accompagnée de Papaloté à la guitare et au refrain, racontera, dans un slam déclamé sous forme de berceuse, sa quête désespérée d’un monde pacifié : «Mangina zaza» («Apaises-toi mon enfant»). «Je sais qu’il y a une paix, alors mangina zaza. Je sais qu’il y a une paix, la paix de la colombe, de la colombe et sa paille dans le bec», déclame-t-elle. Cette paix est aussi celle «des îles retrouvées» sous la lune autour du slam et de la poésie. «Hari muvuli wushuku, mangina. Mama naritabu anfu, mangina eeeh», lui emboîte Papaloté.
L’on pouvait retrouver dans cette cérémonie d’ouverture, toutes les facettes de cette deuxième édition du festival : la musique, la poésie, le slam ; mais également l’art oratoire comorien, dont Sakara a décidé cette année de «remettre au goût du jour» via notamment des descentes dans les écoles. Les spectateurs massés dans la cour du Ccac-Mavuna ont ainsi eu droit à un texte en shikomori, un «nkoho» énoncé de manière théâtrale par Saïfi sous les acclamations d’un public visiblement conquis.
Dayar Sd