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«Grève de mars 1968» au Lycée Saïd Mohamed Cheikh I Un mouvement historique aux conséquences multiples

«Grève de mars 1968» au Lycée Saïd Mohamed Cheikh I Un mouvement historique aux conséquences multiples

Culture | -   Nassila Ben Ali

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Une grande exposition-photos sur cet évènement «mémorable» a été une occasion, aussi bien pour son auteur que pour ses invités, de revenir sur des moments cruciaux de l’histoire comorienne intervenus à une époque où les idées d’émancipation et de lutte contre le colonialisme français étaient en gestation.

 

Dans le cadre des Mercredis du Collège des sages, l’auteur du livre «Comores, mars 1968, la révolte lycéenne», le docteur Mbaé Toyb, a animé, hier, une exposition-photos au Centre d’animation socioculturelle de Moroni Mtsangani (Casm) sur ce qui est largement considéré, jusqu’ici, comme étant le plus grand mouvement de jeunes scolaires de l’histoire aux Comores.


De nombreux anciens élèves qui avaient pris part à cette grève déclenchée au Lycée Saïd Mohamed Cheikh de Moroni fin janvier 1968, et des personnes de milieux divers ont répondu à l’invitation du médecin. L’exposition a été ouverte par le membre du Conseil des sages et premier président de l’Université des Comores, Damir Ben Ali.
Le docteur Mbaé Toyb, a exposé les photos qu’il a accompagné de nombreuses informations, précisions et commentaires souvent inédits qui ont été enrichis avec les témoignages des anciens élèves présents à l’exposition et dont une bonne partie pouvait se reconnaitre sur les photos en noir et blanc d’époque. On y voyait, outre le Lycée Saïd Mohamed Cheikh, les divers sites où le mouvement a évolué et s’est développé sur l’île de Ngazidja, notamment les agglomérations de Kuhani et Itsinkudi ya Washili, Mbeni dans le Hamahame ou encore la colline de Haboho, entre autres. Des lieux où les grévistes avaient bénéficié d’un accueil chaleureux de la part de la population et, parfois, d’une adhésion à leur cause.

«Itsonga baya»

L’exposition a été une occasion, aussi bien pour son auteur que pour ses invités, de revenir sur des moments capitaux de l’histoire comorienne à une époque où les idées d’émancipation et de lutte contre le colonialisme français étaient en gestation.Les images exposées ont permis, notamment, de revenir sur les raisons du déclanchement – la «mèche» ou «Itsonga baya» – de ce mouvement inédit à l’époque, le samedi 27 janvier 1968 quand un journaliste de l’Office de radio et télévision de France l’Ortf, un certain André Sabbass, a accusé, au journal parlé, les Comoriens de s’être précipités sur le lieu du crash d’un appareil de la Compagnie Air Comores, pour dépouiller les victimes alors que les Français, eux, étaient venus leur porter secours.

Non seulement les affirmations offensantes du journaliste étaient totalement fausses, mais il s’est trouvé que ce sont des lycéens comoriens, entre autres, dont l’établissement était situé tout près du lieu du drame, qui ont été les premiers à porter secours aux victimes en plongeant dans une mer agitée…. «Provoqués et choqués, les lycéens décident de manifester leur indignation. L’administration coloniale dans l’incapacité de comprendre les sentiments des lycéens, choisit de réprimer les manifestants en prononçant des exclusions temporaires ou définitives du lycée d’une dizaine d’élèves. En guise de solidarité avec leurs camarades renvoyés, les lycéens décident d’entamer une grève des cours», raconte l’auteur dans son livre.


Par rapport aux conséquences de la grève de janvier 1968, elle aurait entrainé l’éveil d’une conscience nationale en permettant sur le plan politique, notamment, de remettre en cause la présence coloniale. «Mars 68 fut une période charnière pour de nombreux jeunes lycéens comoriens qui allaient déterminer leurs orientations politiques», a souligné le médecin insistant sur l’importance de cette période de l’histoire comorienne qui ne serait pas suffisamment connue.Pour se faire, l’anthropologue Damir Ben Ali a, au moment de clore l’exposition, émis le souhait que d’autres rencontres sur le sujet soient organisées pour recueillir d’autres témoignages. Une occasion pour les nouvelles générations de s’enquérir d’avantage de cette période essentielle de «notre histoire»n

*Actuellement en vente à Sawa-prix à Moroni

 

Quelques dates importantes à retenir de cette période

Samedi 27 janvier 1968, le crash de l’avion.
Lundi 29 janvier 1968, manifestation d’indignation des lycéens.
Vendredi 16 février 1968, décision de fermer le lycée et renvoi des internes.
Samedi 2 mars 1968, réunion des grévistes à Moroni.
Dimanche 3 mars 1968, arrivée à Kuhani ya Washili (campement pendant 3 jours). Mercredi 6 mars 1968, levée de campement. Départ pour Itsinkudi ya Washili.
Vendredi 8 mars 1968. Invitation des grévistes par une délégation de Hamahame.
Dimanche 10 mars 1968, grande réunion publique avec la population de Mbeni.
Mercredi 13 mars 1968, départ des grévistes de Mbeni vers Moroni.
Jeudi 14 mars 1968, reprise des cours pour tous les lycéens.
Vendredi 22 mars 1968, grande manifestation populaire de vendredi après la prière contre les mauvais traitements subis par les grévistes.
Samedi 23 mars 1968, libération de la totalité des grévistes en détention au camp du lycée.
Lundi 25 mars 1968, réouverture du lycée pour tout le monde, sauf pour deux lycéens.
8 avril 1968, crise politique au sommet avec la démission de sept ministres du gouvernement Saïd Mohamed Cheikh.
Août 1968, les militants de Molinaco sortent de la clandestinité.
9 septembre 1968, création du Rassemblement démocratique du peuple comorien (Rdpc). Décembre 1968, création de l’Union pour la démocratie aux Comores (Udc).
Décembre 1968, tenue du Vè congrès de l’association des stagiaires et étudiants comoriens (Asec) à Bordeaux en France.

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