«Que dois-je faire?» La question taraudera Sitty, cette petite Comorienne née à Paris et qui s’est éprise d’un Ivoirien. Elle apprendra, de la bouche de sa mère, qu’une Comorienne ne peut pas épouser un «gadragadra», (comprendre un homme de nationalité autre que comorienne). Comme tant d’autres femmes, Sitty couvera son chagrin qui se répercutera dans ses résultats scolaires «très décevants» et dans son quotidien. «Kutsu hula?», lui demande sa mère. «J’ai pas faim», répondelle dans un soupir. L’amour étant plus fort que les clichés, Sitty continuera à voir, en cachette, son «gadra» qu’elle aime tant. Une commère ira vendre la mèche. Le collège familial, réuni en urgence, décidera du sort de l’infortunée. «Kapvatsi ndrongoyo zindji narimpvehe Komori», tranchera l’oncle.
Aux Comores, «à Ipvongoni dans la région de Mtsambuni»*, Sitty découvrira les madjilis, les djaliko, les zifafa, les ukumbi et autres festivités du «anda», le grand mariage comorien. Aux côtés de Matsouli, «ministre des Affaires impossibles», elle parcourra Moroni, son marché Volo-volo et ses marchands friands d’euros, découvrira la grande mosquée du vendredi, les plats du restaurant Le Coraya, la piscine du Retaj hôtel et les «djosho» à la plage de Maludja.
Made in Comoros
Puis est venu le moment où il fallait partir… «Tchou ! Wawo wa pashiya lewo pvo asubuhi hwenda Farantsa», répond la grandmère à Sitty qui demandait où sont passés ses parents. La jeune fille restera pantoise. «Nifanye?», est une BD francocomorienne signée Naoumi Aboudou (Nanou) et Ahamada Nassur (Le N.), jeunes Comoriens de la diaspora, tous deux originaires de Mbeni ya Hamahame à Ngazidja. «J’ai connu Nanou par le biais du réseau social Instagram. Elle postait différents dessins et j’avais comme l’impression que son talent de dessinatrice n’était pas reconnu à sa juste valeur», explique Ahamada Nassur. C’est alors qu’il a exposé à la jeune femme le projet d’»une BD qui parlerait de plusieurs thématiques qui touchent notre société», qu’elle a accepté «sans hésiter». Nanou se charge ainsi des dessins et le N. des scénarios, «mais avant tout on partage nos idées et on fusionne le tout», précise celui qui a été élu successivement Mister Comores France 2017 et Mister Public Afrique 2018.
La première partie de la BD a été publiée, quatre dimanches de suite, à partir du 20 mai, sur la page «Comorian life» du réseau social Facebook, à l’occasion du mois de ramadhwani. Elle raconte, sur fond d’humour, «sans trop être dans l’excès et encore moins dans les clichés», «une histoire fictive qui parle de plusieurs sujets (positifs ou pas) plus ou moins réalistes que l’on rencontre souvent dans notre communauté», avance le scénariste. L’histoire de Sitty, finalement, c’est l’histoire de ces femmes prises dans l’étau de certaines traditions tenaces. «Mdru kado djibu ye mdruma hahe», par exemple. Qu’adviendra-t-il de Sitty? La suite au mois d’août.
*Village et région imaginaires