Lors de cette 6e édition du Festival d’arts contemporains des Comores (Facc), les visiteurs ont quotidiennement pris un bol d’art au Palais du Peuple de Hamdramba et au Foyer des Femmes de Moroni, avec des expositions d’artistes du Congo, des Seychelles, des quatre îles comoriennes, de la Réunion, de la Côte d’Ivoire, de la France et du Sénégal, entre autres. Sous le thème «Résister», ces artistes ont présenté un monde où il est impératif de résister pour faire advenir la vie.
«Créer, c’est résister. Résister, c’est créer.»
À l’entrée du Palais du Peuple, laissez-vous emporter par la sublime création de l’artiste comorien Ibrahim Saïd Abdallah Séda avec son œuvre «Juste de l’eau». Il pourrait incarner à lui seul le thème de «Résister» pour cette 6e édition. Un robinet rouillé, dans lequel l’eau ne coule plus, et des bidons personnalisés, le tout posé sur des morceaux de flasque. Ce tableau illustre la difficulté d’accès à l’eau, une ressource vitale, et surtout, la nécessité de résister face à ce manque. Qu’est-ce qu’on ne peut pas surmonter si l’on parvient à résister au manque d’eau ?
«Créer, c’est résister. Résister, c’est créer.» C’est avec cette réflexion d’Albert Camus que l’artiste plasticienne sénégalaise Maimouna Diop a conçu les créations exposées au Palais du Peuple. Pour elle, le thème de cette édition invite à explorer l’engagement nécessaire à l’être, à l’action, et à l’acquisition, afin de réaliser nos rêves. « Résister, c’est avant tout créer. Créer même dans des circonstances défavorables. Créer, malgré des conditions exigeant une résilience absolue. Créer, comme acte de libération, pour conquérir l’épanouissement tant désiré. Lutter, délirer et s’exprimer deviennent alors des impératifs pour l’artiste. Ainsi, l’ART joue un rôle crucial dans cette expérience de résistance, contribuant de manière significative au maintien de soi et à la thérapie personnelle», décrit Maimouna Diop.
Dans le hall du Palais du Peuple se trouvent deux œuvres de l’artiste plasticien burkinabè Mohamed Ouedraogo. Fasciné par les matières récupérées, celui que le critique d’art camerounais Simon Njami a qualifié de «représentant d’une Cop à lui seul», revient avec une nouvelle touche qui ne dévie pas de son engagement pour la protection de l’environnement. «Les œuvres de cette édition sont magnifiques et merveilleuses. Toutefois, il y a encore beaucoup à faire. Je trouve que la dernière édition présentait des œuvres plus percutantes. Quant à mes œuvres, il semble que le public peine à en saisir le sens et les techniques utilisées. J’ai été invité spécialement pour exposer sur le thème du développement durable.
J’espère que les organisateurs poursuivront dans cette voie pour faire de Moroni la capitale mondiale de l’hygiène», soutient Mohamed Ouedraogo, tout en saluant les organisateurs pour la réussite de l’événement. À l’intérieur, la puissance du thème de l’événement se fait ressentir à travers la force des photos, peintures, collages et vidéos. Si certains artistes jugent les œuvres moins impactantes cette année par rapport à l’édition précédente, ce n’est pas l’avis du critique d’art Simon Njami. «D’une édition à l’autre, la mayonnaise commence à prendre. Je trouve que cette nouvelle édition est la meilleure en matière d’exposition. D’ici deux ans, les choses seront encore plus puissantes que remarquables», se réjouit l’écrivain. Au Foyer des Femmes de Moroni, les expositions ont également contribué à incarner le thème de la résistance. Une partie de l’exposition y a été consacrée à des photos d’une courageuse femme en rééducation après avoir été gravement brûlée. Ces images illustrent parfaitement le sens de «résister», car malgré la douleur, elle n’a pas abandonné. Elle s’est battue, a lutté, a résisté et, tel un phénix, elle renaît de ses cendres.
«La clé qui peut ouvrir toutes les portes»
«Pour moi, résister, c’est adhérer, s’accepter et s’autoriser à vivre pleinement ses désirs et ses rêves, tout en acceptant pleinement les autres pour leur permettre d’accueillir nos divergences. Et pour faire face à une situation qui m’amène à résister, j’accepte d’abord son existence, puis j’accepte la voie qui me permettra d’atteindre ma finalité. C’est ce processus que je nomme résistance», explique l’artiste de Mayotte, Yasmine Youssouf Thany.
Complètement conquise, la visiteuse Halima Soulé regrette que les lieux d’exposition n’aient pas été quotidiennement envahis par la foule. «J’ai vu des expositions dans d’autres pays, mais celle-ci m’a beaucoup marquée, surtout avec ce thème qui nous pousse à reprendre confiance et à aller au bout de nos rêves. Résister, ce verbe est pour moi la clé qui peut ouvrir toutes les portes, même celles qui nous semblent infranchissables. Merci aux artistes pour la lumière, la lutte et le partage de ces histoires, parfois personnelles, qu’ils nous transmettent avec courage», conclut-il.