L’on pouvait partir de n’importe quel texte, tellement les artistes ont transcendé ce «grand concert» de clôture de la deuxième édition du festival «Slamer un pied sur la lune», mercredi dernier, 26 septembre, au Centre de création artistique et culturelle des Comores (Ccac-Mavuna). Nous partirons du texte du jeune artiste Papaloté. Alors, chant ou slam? Telle est la question. «La différence est dans ce que l’on a envie d’offrir de soi aux autres», disait l’écrivain, poète et slameur camerounais, Marc Alexandre Oho Bambe dit Capitaine Alexandre, invité d’honneur de ce festival, dans un échange avec des artistes et des jeunes slameurs. C’est donc en musique que Papaloté a choisi d’offrir au public du Ccac-Mavuna son amour pour sa mère : «kapvwana hindru dja mdzadze, narimpvame lelo».
Cette mère dont l’artiste appelle à prendre soin, n’est-elle pas aussi la «mère patrie», les Comores et leurs milliers de morts dans le bras de mer de soixante-dix kilomètres séparant les îles de Ndzuani et de Mayotte? «Tsamba ngamlapvo. Ngamlapvo bo Ngazidja. Ndjandza nihupve dingo. Sha yanu nde maesha nde yanitriya mitango», reprend Rehema dans un texte tragique qui a vu le slameur Yahab restituer l’horreur de la traversée de ce bras de mer réputé comme étant le plus grand cimetière marin du monde ainsi que la désillusion, une fois arrivé à destination, et la peur permanente de la Police des airs et des frontières (Paf).
Mère patrie!
Ils ne seront pas les seuls, cette nuit-là, à pleurer la mère patrie. «Rikantsi djumwa utso djifikiriya. No waza yemida yaripviriya. Maha miongo ya uhuriya. Neze taanbu ze rizidiya. Tsi mahakama yaki shariya. Ko amani, ushababi wangamiya. Ngarienshiyo ha umapvu twamaya. Sha nawadje emawatwaniya ba riwaswili pvo zahwambilya», déclamait le Parolier du Karthala accompagné de cinq artistes sur scène. La mère patrie, c’est également cette Afrique qui «ne s’incline pas». «L’Afrique est fière. L’Afrique est notre mère et l’Afrique est notre terre. Elle a la forme revolver, qui se cambre et se rebelle. Et d’un doux et tendre regard nous materne et nous éduque pour l’imminent réveil de l’Afrique», clame Bacar Nawiya. Mais à un moment donné, comme l’expliquait Capitaine Alexandre dans son échange, il faut savoir «écrire pour» et ne pas s’enfermer dans ce que l’on combat, «quêter la lumière», pour ainsi dire.
La lumière, par exemple, de l’amour passionnel, pour Intissam; celle de la paix pour Leslie : «ne pas se contenter de brandir les deux doigts mais lutter ensemble, toi et moi, pour que l’humanité puisse voir au-delà des étiquettes; pour que l’on arrête de fermer les yeux sur les cris et les pleurs de certains peuples; pour que, toi et moi, on puisse faire une trêve; pour que la paix puisse devenir un jour plus qu’un rêve». La paix, par-dessus tout, dans nos îles. «Il a suffi d’un rien pour que je me sente bien ici», déclamait Capitaine Alexandre montrant son attachement pour Ngazidja, cette île qu’il a «embrassé comme on embrasse un premier amour».
Quête de lumière
Le ciel était complètement découvert la nuit du mercredi 26 septembre au Ccac-Mavuna. Et ce n’est pas sur la lune que l’on a slamé, mais sous la lune. Une lune pleine, pleine d’un amour unissant sur scène «des poètes sans papiers, des artistes sans frontières» venus de différents horizons pour chanter la vie «un pied sur la lune, un pied sur la terre». «J’ai été pris d’amour, des merveilles que renferme le Ccac dans sa cour, l’art au plus pur de sa forme», déclamait notamment Gaëlle dans ce texte commun. Ainsi prenait fin la deuxième édition du festival «Slamer un pied sur la lune», ce voyage poétique long d’une semaine.
S’ils n’ont pas clôturé le concert, ces magnifiques mots d’un poète rendant hommage à l’association Sakara, initiatrice de l’événement, avaient tout pour : «Ngiyo ngayo nadjusa. Tsi kaza mshindzi, djando, bwe lasaya tsi heza. He roho ne ziwungo, ba djimbo ndo mdiso ne ngono. Hayizo wunu ndo mwiso. Ritoso rimnikani ye mihono, namke wanono».
Rendez-vous est pris pour 2020.